Ce n'est pas parce qu'on est vieux qu'on est devenu sage. Un vieux a la rage comme un jeune. Il n'a juste plus assez de jus dans les veines pour l'assumer. Alors, il serre ses derniers chicots et joue les sages. Ça sauve les apparences, mais pas son amour-propre.
Parce que ce qu'il y a de plus pénible dans la mort, c'est tout ce qu'il y a avant.
"Orcs & Gobelins, Tome 7 : Braagam" des éditions Soleil, appartient à une épopée d'héroïc fantasy d'une profondeur inouïe se déroulant dans le vaste et foisonnant univers des Terres d'Arran, où elle s'intègre harmonieusement aux autres sagas dérivées telles que "Elfes", "Nains" et "Mages". Ce nouveau périple nous catapulte au milieu de la race brutale des "Orcs", plus précisément au côté de Braagam, qui a jadis combattu au sein de la redoutable compagnie du Croc de Fer où il est devenu un orc légendaire surnommé le Bourreau. Après une décennie et demi, Bourreau a subi une métamorphose inéluctable, se transformant en une silhouette méconnaissable, amère et déclinante. Il est désormais marqué par une attente infinie, celle de la mort, passant ses journées à ressasser le passé glorieux en compagnie de ses deux compagnons d'armes d'antan, Borug, de son nom de guerrier : "Enclume", et Urok, de son nom de guerrier : "Rituel". Sa vie quotidienne est devenue une amertume partagée avec son dévoué esclave gobelin : Z'ox, trouvé dans un repaire d'ogres attaché à une pique qu'il a libéré et qui depuis, veille sur lui avec une fidélité sans faille.
Nicolas Jarry, le talentueux scénariste derrière ce récit, nous entraîne dans une exploration habile des tourments de la vieillesse. À travers Braagam, il scrute avec finesse ce qui demeure, persiste, et perdure au-delà de la génération de nos enfants. Ce récit éclaire ce qui reste de notre existence et l'empreinte que nous laissons derrière nous, tout en tissant subtilement les liens complexes qui unissent le passé, le présent et l'avenir. Une exploration habilement menée à travers les pages, que l'on dévore facilement les unes après les autres.Lorsqu'on se plonge au cœur de ce personnage, on dévoile une profondeur bien plus insondable qu'on ne l'aurait imaginé, notamment dans la manière dont il entretient des liens fraternels profonds avec ses compagnons d'armes, qu'il estime grandement.
Dissimulée derrière cette apparence de sénilité se cache une âme tourmentée par un remords tenace. Un souvenir profondément enraciné, au sort tragique de son frère d'armes décédé sur le champ de bataille, le valeureux Azok, de son nom de guerrier : "Tranche-Jarret". Ce compagnon lui avait pourtant fait promettre de veiller sur ses enfants, les jumeaux Azag et Sharog, une promesse qu'il n'a pas tenu.L'inexorable montée en puissance de Tarp, le fils d'Urok, le dirigeant du village, est marquée par une obsession malsaine envers Sharog. Cette obsession suscite la colère de son frère Azag, qui, malgré sa complète impuissance, s'efforce de protéger sa sœur des griffes de ce prédateur. Pour Braagam, voilà l'occasion de se racheter auprès de son ami décédé.
Bourreau, le champion de la compagnie du Croc de Fer, n'existait plus... Il ne restait qu'un vieux mâle boiteux, arthritique, aux crocs pourris. Et je comprenais pas comment c'était arrivé... Un peu comme un orage que j'aurais pas vu monter et qui m'aurait foudroyé en pleine gigue.
L'intrigue se tisse habilement avec le drame pour livrer une composition émotionnelle remarquable qui se concentre davantage sur les nuances dramatiques et émotionnelles que sur les scènes d'action, qui, bien que présentes, ne parviennent malheureusement jamais à atteindre des proportions épiques. Cependant, nous prenons un réel plaisir à suivre le parcours de Braagam, un individu qui ne prend pas de gants, quel que soit son âge avancé. Engagé dans une lutte contre les affres du temps, il s'efforce de raviver la flamme qui autrefois animait son corps massif capable de soulever une trancheuse surpuissante forgée dans le plastron d'un roi nain. Son choix d'entraîner un jeune orc apporte une dimension émotionnelle puissante à l'ensemble de l'histoire. Le feu intérieur s'enflamme de nouveau.
Une vitalité ravivée qui va venir troubler le "paisible" village de la communauté des orcs, que nous explorons plus en profondeur à travers la mise en place d'idoles visant à honorer les divinités orc, "Onk" et "Gor", à travers la participation au Onkar-Gorbak, une cérémonie où les jeunes orcs se confrontent selon une tradition particulière, dans l'espoir d'intégrer la prestigieuse compagnie du Croc de Fer. Ce tome dévoile avant tout l'humanité insoupçonnée au sein de ces créatures implacables, insufflant une sincérité bienvenue tout en transcendant avec maestria les stéréotypes trop évidents. Car, en fin de compte, dans le monde impitoyable des orcs, seul le plus fort subsiste, tandis que le plus faible succombe. Une narration dramatique menée de main de maître jusqu'à son dénouement haletant.
Les talents artistiques de Stéphane Créty se démarquent indéniablement par leur excellence, particulièrement en ce qui concerne la conception des décors. Ces derniers se révèlent tout simplement magnifiques, offrant une immersion totale dans l'univers créé. L'architecture des châteaux et des sites imposants que nous découvrons à travers les flashbacks de Braagam possède une texture propre à l'héroïque fantasy, procurant une expérience sensorielle véritablement saisissante. L'attrait de la bande dessinée réside notamment dans sa capacité à évoquer des lieux idylliques au sein du village orc, chacun d'entre eux étant un véritable joyau visuel que l'on rêverait de visiter en personne. De plus, la demeure de Braagam elle-même est un chef-d'œuvre de beauté. Il est essentiel de souligner le rôle crucial d'Élodie Jacquemoire en matière de couleur. Ses efforts consciencieux contribuent de manière significative à l'amélioration de la qualité globale de l'œuvre. Ses choix colorés apportent une profondeur et une dimension supplémentaire aux illustrations, renforçant ainsi l'impact visuel de la bande dessinée. Une belle immersion dans l'univers des Terres d'Arran.
CONCLUSION :
"Orcs & Gobelins, Tome 7 : Braagam" est un album captivant qui, à mon avis, d'un point de vu dramatique, se classe parmi les meilleurs de la série. Il nous offre une réflexion profonde sur la vieillesse, les regrets et les opportunités de rédemption, le tout enveloppé dans un univers riche en détails visuels et en émotions. J'ai passé un bon moment de lecture en découvrant cet ouvrage qui parvient à s'émanciper des autres tomes.
L'action peut ne pas être spectaculaire, mais sa valeur réside dans son aspect dramatique véritable.
Parfois, je me demandais si ça avait été qu'un rêve, si j'étais pas juste un vieux débris qui débloquait pour de bon, qui s'inventait une vie qu'il avait jamais eue... Mais c'était pas le cas, la caboche tenait encore le coup. C'était le reste qui partait en vrille. Y avait pas un putain de jour où je me levais sans qu'il y ait un truc en plus qui coince, se bouche, fuie ou refuse simplement d'obéir. L'hiver approchait et j'avais l'espoir de choper une bonne fièvre qui m'achèverait rapidement...