Apres les jeux Rayman, les jeux Lapins Crétins, les figurines Lapins Crétins, les habits Lapins Crétins, les sextoys et les coupes-papiers Lapins Crétins, il falllait s'attendre à la BD Lapins Crétins. A priori, le concept choque : pourquoi figer en strips de six ou sept cases des gags qui reposent sur l'action et le décalage très rapide face à la réalité ? Mais à bien y regarder, tous les gags animés des Lapins sont de leur côté très séquencés et composés d'images détachées, claires, imposées à nous. C'est un mécanisme de l'absurde qui ne laisse pas le temps au spectateur d'intellectualiser ; la BD prend ce parti de séquencer autant qu'en animation, mais permet d'un autre côté de laisser un temps de repos. La frontière est mince est risquée.
Cette BD n'en est pas vraiment une (ceci n'est pas un lapin, comme le parodierait un des tableaux de la p.17), elle est une sorte de story-board, de scénario qui montre des gags crétinesques qui gagneraient leur sens en vidéo. Ici, on montre des concepts et le " lecteur " imagine ce qu'ils donneraient s'il les voyait vraiment. Comme toujours on apprécie ou pas l'humour, mais les strips ne sont pas pipi-caca hormis le mythe de l'éternel papier toilette, ils changent des habitudes, sans être dans la plus grande subtilité du monde, en somme un humour décalé.
Mais la BD gagne son intérêt en tant qu'objet propre, remis en question par ses acteurs. L'avertissement du début nous demande d'aller voir celui de la fin (vous aurez compris où il mènera), et entre les deux, ici un lapin va être malmené si on retourne la BD, là deux lapins vont faire un morpion sur trois strips qui ne perdent pas pour autant leur existence propre, un autre va éteindre la lumière et deux lapins se chargeront d'éclairer la double page : on joue sur le lieu, sur le support de l'action et, après avoir joué sur les codes de tout et n'importe quoi, on joue sur ceux de la BD. En éternel résistant à l'innovation contemporaine, je ne m'y oppose pas pour autant, car ici la démarche et légitimée et contribue pleinement à l'humour.
Je doute que beaucoup prennent le temps de s'arrêter sur les détails des dessins ou de textes, ce n'est pas le but mais on ressent quand même qu'il y a quelque de trop rapide et facile graphiquement. Je redemande pour voir où le concept peut mener, mais à dix euros les dix minutes de lecture, ça revient cher la minute — bon c'était un cadeau de la part de l'ami qui m'a fait découvrir les Lapins et qui aime les trucs concept, mais autant le lire directement en librairie, discrètement.