Serena, c'est beau.
Il y a des paysages des forêts brumeuses dans les montagnes en Caroline du nord. C'est parfois très léché, l'architecture des villages et des maisons carrées aide beaucoup. Ça alterne entre cette photographie parfaitement cadrée et des plans qui se laissent un peu plus aller, on repense à une caméra plantée à un angle complètement incongru dans la chambre d'hôpital. La main de Jennifer Lawrence sur celle de Bradley Cooper sur deux lits d'hôpital ; le reflet des flammes dans les yeux de Jennifer Lawrence ; la fumée des trains qui partent, presque concentrationnaires : ces images sont figées très longtemps, ce qui laisse le temps d'apprécier la photographie mais qui rend aussi le film très lent.
Il est lent dans sa première partie. Et puis, après le drame de la mère, il se met de suite en place et on se rend compte que tout ce qui était placé au début revient. La construction est cohérente, mais parfois c'est un peu maladroit : on a l'impression que ce qui revient est un peu forcé. Des personnages et des évènements semblent déplacés pour coller à l'intrigue. Et puis, d'autres éléments sont complètement oubliés, l'aigle dressé disparaît au beau milieu des montagnes.
C'est beau, en somme. C'est un film photographique. Jennifer Lawrence est sublimée ; les scènes, sensuelles, de corps sont sublimées, et bien souvent durant ces scènes tout passe par le visage charnu et tendu de l'actrice. C'est osé. Se rincer l'œil sur Jennifer Lawrence est une excellente raison d'aller voir ce film, elle n'est pas là juste pour faire vendre. C'est pas du cul pour du cul. Et c'est chouette.
C'est elle qui est la femme et qui a le pouvoir : c'est à partir du moment où la femme parle qu'elle a le pouvoir et sait se faire obéir. Charmante et froide sous un même visage, non contente d'être impératrice de ce petit empire et des forêts, elle s'élève peu à peu au rang de monstre. L'histoire, c'est Médée. C'est la vengeance d'une femme sur les enfants de son mari, au nom même de l'amour. C'est sa folie qui est née de son pouvoir de séduction. C'est une histoire de sacrifice, et les dernières images qui l'illustrent évitent à ce film d'être une simple intention de réécriture du mythe grec.
J'aurais pu proposer de regarder ce film sans le son, si seulement la musique n'était pas aussi apaisante et ne résonnait pas de contrées si lointaines sous la brume. C'est un peu la forêt qui parle. C'est un peu la forêt, l'héroïne. Les grands panoramas sont filmés de nombreuses fois, après chaque évènement grave : et de loin, on ne voit rien de ces petits évènements individuels. Ces plans ramènent l'homme à sa condition qui n'est pas grand-chose sur la terre. L'humilité tire son étymologie du mot " terre ", " humus ". À la fin, les bois continuent d'être et le monde de tourner.
C'était beau. Voilà.