Si les arbres pouvaient pleurer ils le feraient, dans l’immensité de la foret de la Caroline du Nord, la brume se disperse pour laisser place à un générique final promptement balancé à notre figure de spectateur semi inerte, Susanne Bier loin de son Danemark natal, terre de cinéastes de grand talent, démontre sa docilité au format hollywoodien, voulant jouer les classiques avec une absence de maitrise assez déconcertante.
Serena c’est la femme fatale sur son cheval fougueux qui s’énamoure à vitesse grand galop d'un entrepreneur en bois de construction (ou plutôt l’inverse, bref), le couple va alors régner en maitre sur la région et s’attirer les jalousies, un lien entre suées torrides et éclatements d’écorces va alors souder leur union pour le meilleur et pour le pire. Mais elle va vite se retrouver fissurée lorsque cette malheureuse Serena apprendra qu’elle ne peut donner de progéniture à son mari tout en constatant l’existence du fils illégitime de ce dernier, elle va alors tomber dans une folie destructrice …
Premier constat : la première partie du film est franchement expéditive pour faire avancer au plus vite les enjeux principaux, l’écriture et le montage sont d’une prévisibilité folle, dans le sens où le couple est forcement l’élément prépondérant du récit, et si on n’y croit pas dès le départ on ne peut décemment pas valider le reste, et c’est justement ce qui se passe, leur rencontre est d’un cliché incroyable, "Salut je m’appelle George, si on se mariait ?", et hop raccord ellipse mariage, puis ébats sexuels, puis déménagement, le tout en à peine 5-10 minutes, on nous prends un peu pour des jambons … Et même si ça n’est pas la première fois qu’on voit le duo Cooper-Lawrence ça ne fonctionne pas, la réalisatrice croyait certainement que la familiarité du public allait faire le reste, et bien c’est loupé, j’ai même ressenti une certaine redondance, les ambiguïtés de "Happiness Therapy" proposaient au moins quelque chose, ici il n’y en a quasiment aucune. Je ne vois par exemple aucun intérêt d’accumuler les scènes de copulage de 10 secondes qui entrecoupent deux séquences, autant en montrer une seule voir deux mais qu’ils aient une importance, même minime.
Je reviens volontairement au montage car j’aimerais vraiment insister là dessus, sincèrement il est nullissime et profondément académique, comme si le film avait subit plusieurs cuts et que Bier due choisir le moins pire, la construction est même par moment incompréhensible, éludant des idées qui méritaient d’être approfondies pour en imposer d’autres tournant en rond voir trainant en longueur. La tension est infime, le suspense inexistant, les personnages sans profondeur, J-Law a beau user de tout son charme rien n’y fait, elle tombe encore une fois dans la caricature en piquant ses crises de nerfs et pleurant sur commande, aucune émotion ne transpire de son personnage, le constat est accablant, et le pire c’est qu’elle est la figure principale et le véritable point d’ancrage du film, donc si son rôle est loupé logiquement l’oeuvre aussi.
La seule chose à sauver reste cette photographie très propre et ces paysages somptueux qui pour le coup donne une dimension et un relief à l’environnement, donc on ne peut qu’être désolé que le reste ne suive pas, un visuel ne fait et ne fera jamais un film (en tout cas à mes yeux). L’envenimement narratif nous fait ressentir un profond ennui, la dernière partie est poussive pour ne pas dire insupportable, on veut nous faire ressentir un certain bouleversement, mais c’est trop tard, j’ai même envie de dire que tout est limite attendu, le final est exagéré puissance mille, encore une énième faiblesse de montage, on en était pas à une près en même temps.
"Serena" est donc un long métrage raté, qui malgré une forme plutôt correcte et un casting ronflant ne propose qu’un vide scénaristique assez déconcertant, on traverse les frontières de la naïveté, de la caricature et de l’ennui pour se questionner vraiment sur l’intérêt de cette oeuvre, certainement un film à Oscars qui aura loupé sa date de sortie pour son éligibilité à la cérémonie, il restera donc un pétard mouillé qui ne satisfera certainement que la fanbase du duo Cooper-Lawrence. À éviter.