C'est pas du Van Gogh mais ça aurait pu... par jerome60
Après avoir failli tuer De Gaulle (dans l'album J'ai pas tué De Gaulle... mais ça a bien failli), Jean-Paul s'est réfugié en Lorraine chez sa tante Ninine. Au cœur de l'hiver 1962, la vie est rude à la campagne. Mais comme le dis Jean-Paul, « chez nous, passer l'hiver c'est un métier. » Avec la charcutaille, le gros rouge qui tache, et surtout la cuisinière à bois qui réchauffe toute la maisonnée, on peut voir venir. Le vrai problème, c'est l'ennui. Pour le tromper, tata a ressorti les carnets dans lesquels elle a consigné ses souvenirs. Arrivé à l'année 1939, il y a quelque chose qui coince. Des zones d'ombre impossibles à éclaircir. Pourquoi, au moment de l'exode, Georges, son mari, a disparu pendant trois mois ? Quand il est revenu, il n'était plus le même. Il s'est arrêté de travailler et a dit qu'il n'avait plus besoin d'argent. Sa version officielle ? Il avait passé ces trois mois à Arles, sur la tombe de sa mère. Sa femme n'a jamais pu en savoir plus. Ni une ni deux, Jean-Paul décide de tirer l'affaire au clair. Le voila donc parti sur les traces de tonton Georges, à bicyclette. Si seulement il avait su dans quel ni de serpents il allait mettre les pieds...
Quel plaisir de retrouver Jean-Paul, l'escroc à la petite semaine qui attire les ennuis comme un aimant. Dans cette nouvelle aventure, il croisera des dessins de Van Gogh, des faussaires, une nymphomane, des religieuses pas catholiques et quelques balles perdues. Bruno Heitz n'a pas son pareil pour trousser des intrigues savoureuses qui fleurent bon la France profonde des années 60. L'ambiance, c'est vraiment le point fort de cet album. La balade en DS, le train Lyon-Arles, les troquets et les hôtels de province, le panier à salade Citroën et la Simca du commissaire de police, on plonge avec plaisir dans la France du Général.
Nombre de lecteurs apprécient moyennement le trait minimaliste et tout en rondeur de Heitz. Personnellement, j'aime beaucoup. Sans chichi, il sait aller à l'essentiel. Cinq ou six cases maximum par page, une vraie facilité à rendre les mouvements et les scènes d'action. Seul regret, l'usage de la couleur qui n'apporte rien à l'ensemble. Je préfère le travail de ce dessinateur en noir et blanc, il n'y a qu'à voir le premier volume de l'intégrale d'un Privé à la cambrousse pour s'en convaincre !
Humour, dérision et truculence sont au menu de cet album réjouissant où Jean-Paul, l'anti-héros un brin couillon se révèle décidément d'un charme irrésistible.