Point de héros
"A la guerre, point de héros, que des victimes", semble nous dire cette BD. Le trait sombre et glauque de Tardi nous plonge cette fois dans l'enfer des tranchées à travers une série d'histoires...
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le 25 août 2013
10 j'aime
Au lendemain du 11 novembre, je me suis mis à relire cet album que je n'avais pas relu depuis très longtemps, afin de méditer sur un épisode de cette Grande Guerre qui a atteint le comble de l'horreur. Et pour cela, seul Tardi est capable de vous remuer les tripes à travers ses dessins. Ce n'est pas une BD qu'on lit avec l'idée de la détente ou du divertissement, la BD peut donc se faire grave et profonde, en abordant des sujets sérieux, il n'y a que les anti-BD qui penseront le contraire. J'ai un peu redécouvert ce contenu en ayant sans cesse à l'esprit le film les Sentiers de la gloire de Stanley Kubrick, qui lui fait écho. Ce brûlot antimilitariste qui n'a été distribué en France que 18 ans après sa sortie tant ça dérangeait, est le réquisitoire le plus féroce sur l'absurdité de la guerre, et je crois que C'était l'enfer des tranchées en est sa version en BD.
La préface de Tardi avertit le lecteur du contenu, elle est claire et nette, on sait ce qu'on va y trouver. Les mots sont crus, le dialogue de la BD aussi, accentuant le ton pathétique. Je ne peux m'empêcher de ressentir une profonde amertume en lisant ces pages, on en sort essoré, étrillé, démoralisé et finalement heureux de retrouver ses proches et sa vie quotidienne, quand on sait que tous ces pauvres gars ont eu leur vie bousillée. Tardi transmet tout son dégoût de la guerre dans cette BD dont on ne ressort pas intact, et qui démontre avec une acuité rare la vanité de ce conflit qui ne fut qu'un gigantesque abattoir humain ; le témoignage est poignant et souvent douloureux mais nécessaire pour son devoir de mémoire.
Le choix de ne pas faire un recueil historique sur les événements connus de Verdun ou des autres champs de bataille est très bon ; Tardi préfère raconter de petites histoires qui sont des instantanés d'un quotidien du poilu bien plus authentique, parce que tous ces épisodes sonnent vrai, Tardi les a sûrement recueilli dans des Mémoires de soldats ou dans les souvenirs de combat de son grand-père. Chacun met en exergue l'aspect dérisoire que rencontrent les protagonistes. Pour la même raison, il n'y a pas de héros central, car chaque acteur de ces saynètes tragiques est un héros anonyme, surtout que Tardi ne montre pratiquement aucun gradé imbécile, pas d'officier qui donne des ordres absurdes, que des pauvres gars sortis de leurs faubourgs ou de leurs cambrousses, et que la machine de guerre a broyé sans pitié. Souvent, les images sans dialogues sont plus parlantes, elles sont le reflet constant d'un vécu abominable, d'un enfer où ces poilus ont enduré horreur, privations, maladies, froid, rats, odeurs de pisse et de merde, odeurs de cadavres, et surtout une immense souffrance ; on ressent tout ceci en une intense émotion par des dessins criants de vérité.
Une immense tristesse s'empare aussi de l'esprit quand on parcourt ces pages, je pense particulièrement à ces images atroces où Tardi montre ces gars accrochés dans les barbelés ou agonisant la bouche ouverte dans la boue des trous d'obus... des visions difficiles à oublier. Le noir et blanc de Tardi prend ici toute sa signification, soulignant l'horreur et le désespoir par son trait caractéristique. C'est une oeuvre magistrale, d'une intense émotion, à lire absolument, même si c'est douloureux, car on doit tous savoir ce qui s'est passé dans ces tranchées.
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le 12 nov. 2021
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