Dallas à Skull Island
La première impression – je le répète chaque fois qu’elle est loupée dans un manga dont je fais la recension – est cruciale. Pas nécessairement déterminante, certes, il peut y avoir des faux départs...
le 4 nov. 2024
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La première impression – je le répète chaque fois qu’elle est loupée dans un manga dont je fais la recension – est cruciale. Pas nécessairement déterminante, certes, il peut y avoir des faux départs qui se concluent sur le podium, mais lorsqu’au dessus de nous, les nuages s’amoncellent, que le ciel s’obscurcit, au milieu des premiers râles du tonnerre, je sors mon parapluie.
Un style graphique quelconque et sommaire ; un de ces mangas dont, si on en apercevait une page à l’envolée, vingt œuvres au moins nous viendraient à l’esprit, cela ne prélude pas du meilleur. Que le protagoniste – j’en soupire d’avance – soit un écolier japonais exubérant, donc exaspérant, qu’on aperçoit s’empiffrer à sa première apparence… non, décidément, tout ça ne dispose pas un lecteur éprouvé aux shônneneries d’usage à s’engager dans la lecture.
Soit dit en passant, je ne saurais trop articuler sur ce fétiche qu’ont bon nombre de mangakas à nous présenter leurs héros comme de gros mangeurs. Comme si la chose était, dans leur fantasmagorie, immanquablement corrélée au courage et à la vertu. Vraiment, quels drôles de gens.
Ah, et la meilleure amie de ce protagoniste exquis, figurez-vous que c’est une Idol. Prenez un pot de fleur, maquillez-le et mettez-lui une jupe, vous aurez alors chez vous le personnage en chair et en os. Elle est pure, épanouie et naïve elle est…. absolument non-conforme à ce qu’est une fille de son âge, sortie tout droit de la décharge à archétypes dans laquelle trop de mangakas vous charogner. Si vous n’espérez de votre lecture que le déballage de stéréotypes ambulants que vous aurez lu mille fois ailleurs sans jamais vous satisfaire, Cafe of Eden est une lecture à votre gant.
Ça se veut Battle Royale et ça ne sera même pas Btooom!. Tous les personnages, en excursion, bientôt réduits à devoir survivre en commun sur une île déserte, avec le sportif, le garçon à problème ténébreux… après Lost Brain critiqué récemment, il semblerait que je sois engagé sur le sentier des plagiats. Cage of Eden sera une preuve supplémentaire des « emprunts » honteux ayant cours dans l’industrie manga. J’ai franchement de quoi instruire un dossier.
Si au moins le manga avait le mérite d’être paru avant la première diffusion de la série Lost ; s’il avait eu au moins ce mérite. Mais non. Alors là encore, on emprunte et on omet de rendre. Sa Majesté des Mouches a apparemment fait des émules. Même si la franchise nous conduira à reconnaître que Le Monde Perdu a pesé plus lourdement dans la balance.
Pour s’émanciper un brin des œuvre susnommées, on nous a mis des dinosaures dans l’équation. Espèces auxquelles nos survivants tiendront évidemment la dragée haute sans trop avoir à forcer. Chose amusante, on apprendra que le pilote a été poignardé à mort et que son assassin… a laissé son couteau dans l’abdomen de sa victime. C’est-à-dire que ce dernier, en plus de laisser une trace pouvant remonter jusqu’à lui, s’est dit qu’il pourrait se passer d’un couteau après s’être échoué sur une île déserte.
On dira que c’est une petite erreur, un détail… mais c’est dans le détail qu’on découvre l’authenticité. Si une œuvre s’avère si mal pensée en amont, imaginez ce que vous y trouverez en aval.
En des termes plus clairs, plus synthétique, car il faut bien abréger avant qu’on nous achève, Cage of Eden est un Btooom! croisé École Emportée. En moins bien ; en beaucoup moins bien, que ce soit par rapport à l’une ou l’autre des deux œuvres évoquées. Tout y sera ici convenu en diable, sans la moindre surprise à nous adresser à quelque instant que ce soit, malgré le vivier d’opportunités à portée d’un auteur qui, de ce monde qu’il nous présente, pourrait tout en faire.
Trouvons-lui des mérites à ce manga, ne serait-ce qu’un….
Tenez, plutôt que de céder encore une fois aux poncifs éculés du genre de ce qu’il nous dessine, Yoshinobu Yamada ne nous accablera pas des sempiternels tyrannosaures et autres vélociraptors. Les espèces qu’on découvre nous viennent du Lutétien, période méconnue où bon nombre de mammifères curieux et énormes y déambulaient griffes et crocs à l’air. Il y a au moins ça pour lui, Cage of Eden. Rien d’autre, hein, mais c’est ce qui peut-être opérera la distinction entre un 1 et un 2 sur 10. J’ai fait pas mal de découvertes et, très franchement, la quasi-intégralité de ces créatures disparues gagneraient à être plus connues et exploitées dans la fiction.
Allez, disons 3/10. Et ce, malgré le ecchi intempestif et perpétuel.
L’auteur a une idée. Une qui n’est jamais franchement inspirée. Le voilà qui l’exploite cinq dix chapitres puis, à cours de matière sur laquelle broder, il nous découvre un nouveau groupe de survivants sur le tard. Et ce, sans cesse (belle allitération, n’est-il pas).
C’est un feuilleton qui navigue à vue et qui, sans personnage consistant, ne peut alors être à même d’élaborer une intrigue viable. Le volet survivaliste n’est même pas esquissé, tout va de soi et si problème il se trouve, celui-ci sera réglé dans l’heure. Ils ne sont, après tout, que les invités indésirables d’une île perdue où y pullulent créatures voraces et maladies disparues. C’est dire si nous avons amplement la place pour nous soucier des querelles de groupe – toujours stériles par ailleurs – afin d’espérer renouveler l’intérêt du lecteur.
Vous rêviez du Monde Perdu, mais vous n’aurez que Dallas avec de grosses bestioles autour.
Comme pour Lost, parce que ça ne pouvait pas être convenu, on trouvera des vestiges humains avancés pour tirer le fil jusqu’à découvrir une histoire de projet de… je vous laisse compléter, vous avez de toute manière déjà lu ça ailleurs.
Le dernier chapitre s’accomplit sur une escapade : tous quittent une île qu’ils n’auront eu aucun mal à dompter, s'évadant à bord d’un bateau dernier cri. Tout ça, cette lecture, à quoi bon ? Nous avions tout par avance. Le scénario a été repassé cent fois par d’autres bien avant. Les péripéties étaient navrantes et ne jaillissaient du bout du stylo de l’auteur qu’à condition que celui-ci se sente d’ajouter du drame, comme ça, en continu. Très vite, tout ça m’avait rappelé la série Jericho où l’urgence était de mise à chaque seconde de chaque épisode. Il se passait tant de chose et si vite qu’on n’avait trop le temps de réfléchir. Peut-être bien que c’était fait pour, car le moindre effort de réflexion porté avec recul sur le contenu aurait conduit à une critique sévère. Du genre de celle que je suis en train de rédiger par exemple.
Cage of Eden, ce serait donc du Jericho, du Lost, du Btooom! de l’École Emportée, du Battle Royale, du Monde perdu, c’est-à-dire un peu de tout pour aboutir à beaucoup de rien. Les monstres, bien assez tôt, ne sont plus là qu’en guise de paysage, ne surgissant de toute manière que lorsque l’auteur a besoin d’un élément perturbateur. Il l’a si bien en main, son intrigue, Yoshinobu Yamada, qu’il l’étrangle et ne lui laisse pas l’occasion d’énoncer sa volonté propre. Aussi, l’auteur parle à sa place et manie son récit d’une manière trop proprette et convenue pour laisser la moindre place à l’inattendu.
Mais bon. Le bestiaire était original et relativement bien dessiné de surcroît. À quoi ça tient un 3/10, franchement.
Créée
le 4 nov. 2024
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