La trilogie Toxic - La Ruche – Calavera est un puzzle multidimensionnel. Il faut accepter d’avancer à l’aveugle lors de la lecture des deux premiers tomes car seul le troisième et dernier donne la clé de l’ensemble.

La première dimension est la chronologie des évènements, dont les pièces sont éclatées sur les trois tomes. Une succession rapide de maladresses et de traumatismes a profondément affecté le personnage principal (Doug), et nous assistons à ses tentatives de retour à la surface. Des images choquantes (un porcelet mort, une eau et un ciel pollué, des personnages monstrueux, des photos sadomasochistes, etc.) sont les premières à émerger et le lecteur cherche naturellement (mais infructueusement) à construire un fil conducteur. Un indice est le temps qui passe, le « vieillissement » du personnage principal et de ses proches. Mais compte tenu du caractère éclaté et non linéaire de la narration et des liens familiaux, nous avons du mal à replacer dans le temps ces visages d’âges différents... Cependant, Charles Burns tient ses promesses car tout s’éclaire peu à peu et la cohérence de l’ensemble est irréprochable.

La deuxième dimension est le caractère tantôt simplifié / symbolique et tantôt réaliste du dessin. La bande dessinée, et notamment Tintin, accompagne Doug dans son aventure. Il semble s’en servir pour se cacher, pour fuir ses responsabilités ; c’est un refuge pour tenter d’échapper à une réalité trop difficile. Mais elle pourrait l’aider aussi à reprendre corps, à revenir progressivement dans le réel. Charles Burns réussit la prouesse d’associer de façon fluide et sans vraiment changer de style, des personnages réalistes et des personnages simplifiés. La photographie est également très présente tout au long de la série.

La troisième dimension est le mélange de réalité, de rêves et d’hallucinations. Le caractère réaliste ou simplifié du dessin nous permet d’avoir quelques repères.

La quatrième et dernière dimension du puzzle que j’ai pu identifier est la couleur. C’est nouveau pour Charles Burns dont les BD sont habituellement en noir et blanc. Par ailleurs, de solennels rectangles de couleur, sur fond noir, tels des pixels en gros plan, sont placés en première page de chacun des trois tomes et d’autres rythment l’histoire en semblant suivre les émotions du personnage. Les trois tomes ont des dos en toile et des pages de garde de couleurs différentes : rouge pour Toxic, violet pour La Ruche et bleu pour Calavera. Au-delà d’un code couleur reflétant la psychologie de Doug, elles ont peut-être pour objectif d’exorciser la noirceur de l’histoire, telles les calaveras, représentations de crânes souvent en couleur créés par les Mexicains pour se moquer de la mort.

Créée

le 3 janv. 2015

Critique lue 668 fois

9 j'aime

Gritchh

Écrit par

Critique lue 668 fois

9

D'autres avis sur Calavera - Toxic, tome 3

Calavera - Toxic, tome 3
EricDebarnot
9

Ces traumas sont les nôtres...

Sans retrouver la puissance d'envoûtement de "Toxic", "Calavera" transcende l'horreur facile (?) et oppressante de "la Ruche" et permet à Burns de clore sa trilogie en beauté, tout en apportant à ses...

le 6 janv. 2015

7 j'aime

Calavera - Toxic, tome 3
LibraireAlbum_BX
10

Ou l'art de faire compliqué !

La trilogie Toxic/La Ruche/Calavera est un véritable chef d’œuvre dans sa totalité. Alors qu'on croit se lancer dans une simple histoire de science-fiction, on se retrouve embarqué dans deux...

le 8 févr. 2016

2 j'aime

2

Calavera - Toxic, tome 3
Vivian_Hirondelle
9

Un incontournable

L'attente fut longue depuis la sortie de la ruche mais je n'ai pas été déçu. Burns est clairement au sommet de son art. Le récit et le dessin sont maîtrisés de bout en bout. Le final boucle la boucle...

le 7 nov. 2014

2 j'aime

Du même critique

Les Équinoxes
Gritchh
10

L’unique personne qui t’accompagne toute ta vie, c’est toi-même*

Cyril Pedrosa ne raconte pas seulement des histoires ; il nous les fait ressentir. Bien qu’il se rapproche de ses précédents romans graphiques (Trois Ombres et Portugal, déjà excellents), Les...

le 1 nov. 2015

31 j'aime

2

Le Dieu vagabond
Gritchh
8

Pan Art

Je ne sais pas quelle est la technique utilisée par Fabrizio Dori mais ses planches, ses cases, sont des œuvres d'art. Les couleurs sont magnifiques. De plus, il fait varier son style de dessin selon...

le 13 janv. 2019

26 j'aime

2