Sans retrouver la puissance d'envoûtement de "Toxic", "Calavera" transcende l'horreur facile (?) et oppressante de "la Ruche" et permet à Burns de clore sa trilogie en beauté, tout en apportant à ses lecteurs les plus rationnels (les pauvres...) quelques éléments de réponse aux nombreuses questions qu'avaient fait naître les deux premiers tomes. En centrant son récit sur l'évolution de la vie - amoureuse principalement, mais pas que... - de Doug, son héros, que l'on voit peu à peu abandonner les audaces de son adolescence pour se résigner à la "médiocrité" adulte, Burns fait mouche : on comprend alors que tous les traumas recyclés symboliquement par l'imaginaire de Doug sont les plus communs du monde... Pire, qu'ils sont les nôtres, qu'ils illustrent symboliquement (je pense à ces scènes troublantes où un Doug "simplifié" et sous influence Hergé tente de se débattre au milieu de représentations obsédantes de ses échecs) notre culpabilité vis à vis de tous ceux que nous n'avons pas pu sauver, ni même souvent aimer convenablement. Le but de la trilogie apparaît alors dans toute sa superbe honnêteté : nous faire jeter le masque sur nos propres prétentions artistiques, créatrices, voire même simplement humaines, pour accepter notre insignifiance et notre lâcheté. Au final, rien ne sert de se rêver en Tintin exilé dans un univers extra-terrestre absurde et cruel, si nous ne réussissons même pas à être le héros de notre vie toute simple. Moins impressionnant formellement que "Black Hole" (la couleur, qui est un élément nouveau chez Burns, est sans doute moins forte que le noir et blanc tranchant), voici néanmoins un livre puissant, qui transcende les malaise de l'adolescence (et de la post-adolescence !) pour nous parler de nos difficultés à être tout simplement adultes. [Critique écrite en 2015}