Sans retrouver la puissance d'envoûtement de "Toxic", "Calavera" transcende l'horreur facile (?) et oppressante de "la Ruche" et permet à Burns de clore sa trilogie en beauté, tout en apportant à ses lecteurs les plus rationnels (les pauvres...) quelques éléments de réponse aux nombreuses questions qu'avaient fait naître les deux premiers tomes. En centrant son récit sur l'évolution de la vie - amoureuse principalement, mais pas que... - de Doug, son héros, que l'on voit peu à peu abandonner les audaces de son adolescence pour se résigner à la "médiocrité" adulte, Burns fait mouche : on comprend alors que tous les traumas recyclés symboliquement par l'imaginaire de Doug sont les plus communs du monde... Pire, qu'ils sont les nôtres, qu'ils illustrent symboliquement (je pense à ces scènes troublantes où un Doug "simplifié" et sous influence Hergé tente de se débattre au milieu de représentations obsédantes de ses échecs) notre culpabilité vis à vis de tous ceux que nous n'avons pas pu sauver, ni même souvent aimer convenablement. Le but de la trilogie apparaît alors dans toute sa superbe honnêteté : nous faire jeter le masque sur nos propres prétentions artistiques, créatrices, voire même simplement humaines, pour accepter notre insignifiance et notre lâcheté. Au final, rien ne sert de se rêver en Tintin exilé dans un univers extra-terrestre absurde et cruel, si nous ne réussissons même pas à être le héros de notre vie toute simple. Moins impressionnant formellement que "Black Hole" (la couleur, qui est un élément nouveau chez Burns, est sans doute moins forte que le noir et blanc tranchant), voici néanmoins un livre puissant, qui transcende les malaise de l'adolescence (et de la post-adolescence !) pour nous parler de nos difficultés à être tout simplement adultes. [Critique écrite en 2015}

EricDebarnot
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleures BD de 2014

Créée

le 6 janv. 2015

Critique lue 413 fois

7 j'aime

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 413 fois

7

D'autres avis sur Calavera - Toxic, tome 3

Calavera - Toxic, tome 3
EricDebarnot
9

Ces traumas sont les nôtres...

Sans retrouver la puissance d'envoûtement de "Toxic", "Calavera" transcende l'horreur facile (?) et oppressante de "la Ruche" et permet à Burns de clore sa trilogie en beauté, tout en apportant à ses...

le 6 janv. 2015

7 j'aime

Calavera - Toxic, tome 3
LibraireAlbum_BX
10

Ou l'art de faire compliqué !

La trilogie Toxic/La Ruche/Calavera est un véritable chef d’œuvre dans sa totalité. Alors qu'on croit se lancer dans une simple histoire de science-fiction, on se retrouve embarqué dans deux...

le 8 févr. 2016

2 j'aime

2

Calavera - Toxic, tome 3
Vivian_Hirondelle
9

Un incontournable

L'attente fut longue depuis la sortie de la ruche mais je n'ai pas été déçu. Burns est clairement au sommet de son art. Le récit et le dessin sont maîtrisés de bout en bout. Le final boucle la boucle...

le 7 nov. 2014

2 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

191 j'aime

115

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25