Le poids du vent
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le 18 déc. 2020
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8
C'est un peu embêtant de parler de ce genre d'ouvrage et d'en cibler les faiblesses parce qu'on sent tout de suite la quantité de travail derrière chaque page, et Mathieu Bablet n'est pas du genre à économiser de l'encre quand il est question de vues vertigineuses et de décors foisonnant. Donc c'est encore une fois super beau, on retrouve enfin la terre ferme comme dans Adrastée, avec un monde si coloré et éthéré qu'on aimerai y vivre, même si c'est pour se choper des saloperies radioactives ou s'intoxiquer avec de l'eau croupie aux métaux lourds. Le trait est plus libéré, moins soumit aux lignes de constructions des perspectives. On ressent la lourdeur ou la fluidité des corps et leur dégradation. Certaines planches restes en mémoire durablement. Voilà c'est dit, rien que pour les quelques panoramas, un coucher de soleil, une ville engloutie, les cités numériques du grand réseau, allez-y l'acheter, ça vaut le coup.
Après pour le scénario, c'est un peu plus compliqué, et ça va forcément spoiler un peu dans cette section. Le pitch : deux IA fortes acquièrent l'immortalité et se croisent régulièrement sur 300 ans pendant que le monde dérive lentement dans des affrontements divers, pollution manifestations barrages de migrants et tout ce que le XXIeme siècle peut vous présenter au JT de 20h.
L'intérêt de la narration est qu'elle est focalisée sur les deux personnages principaux, ce qui fait qu'on ne sait pas trop ce qui se passe en dehors de la perception qu'ils ont de leur environnement, mais c'est là que ça se complique :
ils sont censés avoir un accès total et immédiat au réseau global, cela s'illustre lorsque l'un d'entre eux accède à toutes les caméras de vidéo-surveillance du monde par exemple. On pourrait se dire qu'ils sont donc en mesure de comprendre, de savoir et d'anticiper toute action. Or ils n'en font rien. On a droit à quelques échanges assez ubuesques comme « Qu'est ce qui se passe ? » « Je crois que c'est la fin du capitalisme ». Si t'as accès à toutes les informations bancaires, les cours de la bourse et les transactions financières, tu vois normalement le truc arriver de loin …
Autre problème majeur, la réincarnation de l'un des personnages tous les 15 ans par téléchargement automatique de son cortex dans une nouvelle enveloppe mécanique située dans n'importe quelle usine de fabrication dans le monde. Ce ressort scénaristique est tributaire d'une production industrielle qui semble décroître fortement à partir de la moitié du bouquin. A ceci on peut ajouter le problème général du maintient des infrastructures permettant l'accès à internet, le stockage massif de données, etc etc.
En résumé, quelques situations sont tout simplement in-envisageables, ce qui tend à rompre fortement la suspension de crédulité.
C'est vraiment dommage, parce que certains passages sont au contraire d'un finesse et d'une inventivité qui manquait un peu pour Shangri La. Le rapport au corps et la sénescence par exemple, le rapport à l'espace, et la question du but qui est posée dès le départ. On a quand même beaucoup de plaisir à suivre ces deux robots dans leur recherche d'un idéal.
Pour finir, la postface d'A. Damasio est à passer, à part si vous êtes adeptes des slams de l'auteur. Il y a un néologisme toutes les trois phrases, certains paragraphes sont si alambiqués qu'on y risque la migraine, le tout pour pas beaucoup de supplément d'âme. Je ne dis pas que les propos d'Alain Damasio ne sont pas intéressant, mais son nom à la fâcheuse tendance à devenir un produit dérivé ces derniers temps. Donner la parole à un/une chercheur/se en IA, même moins connu, aurait été plus pertinent pour les propos du bouquin.
Créée
le 4 sept. 2020
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