Lorsque « Carnet du Pérou » est sorti, j’ai pesté contre Fabcaro. Qu’est-ce qui avait piqué l’auteur pour partir dans un carnet de voyage ? Bien mal m’en a pris, puisque le dessinateur avait créé une supercherie avec ce livre. Il était temps de rattraper mon retard sur ce bouquin, publié logiquement chez 6 pieds sous terre.
Tout commence comme un carnet classique. De beaux dessins croqués sur le vif, plein d’exotisme, agrémentés de commentaires de l’auteur sur cette culture différente qui le frappe de plein fouet. Seulement au bout de quelques pages, le lecteur s’interroge : les Péruviens portent tous des sombreros ?!
Fabcaro intercale au milieu de son faux carnet de voyage de nombreuses séquences. Certaines font la part belle à l’autofiction comme sait si bien le faire l’auteur, d’autres font référence à « Tintin et le temple du Soleil ». Fabcaro n’hésite pas à utiliser des photos également pour compléter l’ensemble, des illustrations et même des pages produites par d’autres dessinateurs ! Finalement, le terme de « carnet » est adapté tant l’ensemble est décousu, en vrac, et plein d’inventions graphiques et de narrations différentes.
Au-delà de l’objet expérimentale, difficile de ne pas sentir une critique de ces voyages qui touchent à la spiritualité du narrateur. Outre les croquis qui semblent pris sur l’instant (mais utilisant des photos trouvées sur internet…), les textes sont une vraie parodie ce que ce que tout le monde dirait en revenant du Pérou. Les gens, les visages, les odeurs… Tout y passe ! Cette critique sous-jacente apporte un plus au côté foutraque absurde de l’ensemble. Comme si malgré un projet complètement débile, Fabcaro essayait de le mener à bien contre vents et marées (et toute logique !)
Le dessinateur se fait plaisir ici, utilisant de nombreux styles graphiques. Outre l’aspect croquis pour le carnet de voyage proprement dit, il dessine à la façon de ses autobiographies, singe Hergé… Le style s’adapte au propos. Du beau travail !
« Carnet du Pérou » est à l’image de l’œuvre de Fabcaro. On y retrouve l’autofiction (et l’autodérision), l’humour absurde, la critique sous-jacente et l’aspect expérimentale. Un ouvrage complètement fou, profondément absurde, mais surtout drôle !