Plus difficile qu’il n’y paraît de réaliser un carnet de voyage en BD. Il faut trouver le ton juste. Si on ne trouve pas le bon ton, le bon angle d’attaque, le carnet de voyage peut vite devenir aussi chiant qu’une projection de diapos de vacances chez papy et mamy. Avec Fabcaro, aucun danger que ça ronronne. Et même si les premières pages donnent dans le très sérieux, on se doute que les choses vont rapidement partir en cacahuètes.
Parce que le monsieur ne peut jamais rester convenable trop longtemps. Il est en permanence dans une forme d’autodérision, d’auto-ironie même, que j’apprécie particulièrement. En ponctuant son récit de parenthèses incongrues, voire hors sujet (comme il le reconnait lui-même à un moment), il prend certes le risque de perdre une partie de son lectorat, qui pourrait assimiler ce procédé à du remplissage ou à une certaine de forme de facilité. Mais ce serait une erreur d’interprétation fatale je pense tant l’expérience m'a prouvé qu'il ne faut jamais au grand jamais prendre un album de Fabcaro au premier degré. Ce gars est fou, son humour flirtant avec l’absurde traite chaque sujet avec un angle décalé qui vire souvent au totalement barré. Et ce Carnet de Pérou ne fait pas exception à la règle.
Le délire est à la fois dans les apartés (photomontages, statistiques sans queue ni tête, parodie de Tintin, interventions moqueuses de sa femme, etc.) mais aussi dans les passages péruviens à première vue les plus sérieux, comme ce soi-disant concert d’une star locale de la chanson capable de jouer « de la flûte de pan derrière la tête avant d’y mettre le feu » (m’enfin !!!!) ou ce running-gag sur la susceptibilité du lama dont les autochtones ont appris à tirer profit de façon pour le moins originale.
Tout cela est tellement énorme qu’au fil des pages, le doute s’installe peu à peu et la certitude finit par apparaître : ce gros mytho de Fabcaro n’a jamais mis les pieds au Pérou ! En même temps, je n’en attendais pas moins de sa part, s’il y a un dessinateur capable de bidonner de A à Z un carnet de voyage, c’est bien lui. Une fois encore, il m’a régalé.