Comme un retour aux racines du conte médiéval et son lot de violence, Castelmaure prend le parti de raconter trivialement une horrible et épique histoire d'hérédité, de pouvoir et de sorcellerie, en utilisant avec pertinence les poncifs et les codes du genre.
Le dessin d'Alfred apparaît assez intemporel. Les paysages sont aplatis comme sur des enluminures et les traits donnent un caractère plein de nuances et de détails aux personnages. Des couleurs vives et des environnements très tranchés et détaillés confirment cette volonté de rendre BDesque l'iconographie moyenâgeuse, ce qui est réussit et se fait tout en discrétion.
Lewis Trondheim propose dans cet écrin un récit à tiroirs mais très lisible. Découpé dans un chapitrage cohérent et saccadé qui ne laisse pas trop les personnages bavarder et va plutôt les essentialiser autour d'un enjeu connecté à la trame principal. Simple mais spécialement efficace. L'insertion d'une morale assez moderne, sur des enfants aux troubles de personnalités bipolaires et androgynes qui doivent s'accepter est réussie, elle ne fait pas tâche dans un contexte médiéval matinée de sorcellerie et de freak show.
Comme une mise en abîme, le rôle ambivalent et étrange du conteur vient rajouter une couche méta sur le gâteau déjà savoureux. Un album tout en maîtrise, un exercice de style brillant.