J’ai toujours apprécié le dessin d’Alfred. Cependant, ces derniers ouvrages adulés, qu’il scénarisait, m’ont moins convaincu. Le voir s’associer avec Lewis Trondheim était donc une bonne nouvelle, presque une évidence quand on y pense. Ils publient ensemble « Castelmaure », un ouvrage de fantasy sous forme d’un one shot de 148 pages. Le tout est publié chez Delcourt.
Le roi Éric était bon. Il était apprécié de ses sujets. Mais un jour, il disparaît sans laisser de traces. Depuis, Castelmaure est secoué en permanence par une tempête. Un jeune mythographe part alors à sa recherche, récupérant les histoires dans les villages et espérant que l’une d’elle le ramènera vers le roi.
« Castelmaure » utilise une narration éclatée pour nous raconter son histoire. Des chapitres d’une dizaine de pages s’enchaînent avec pour protagonistes des personnages différents. En début de lecture, ces chapitres et ces personnages n’ont pas forcément de lien évident. L’histoire se crée petit à petit jusqu’à la montée finale.
Le livre tire son sel de ses légendes. Récupérées et racontées par le mythographe, elles donnent un aspect mystérieux à l’ensemble. Une sorcière qui gobe des yeux de lapins. Un archer qui perd la tête. Un bon roi perdu. Et c’est sans compter avec les personnages originaux qui viennent parsemer l’ouvrage. Cette aura de mystère participe pour beaucoup au suspense du livre. Car dans sa première partie, on se demande bien où les auteurs nous emmènent.
La deuxième partie se révèlera plus classique, voire un peu confuse dans certaines résolutions. Au moins, la relecture de l’ouvrage apporte un vrai plus et certaines scènes prennent plus de sens. Mais si on pouvait espérer quelque chose de véritablement original avec Lewis Trondheim à la manette, il nous est proposé avant tout un conte, une fable médiévale. On retrouve les archétypes du bon et du mauvais roi, de la sorcière…
Au niveau du dessin, c’est du beau travail que nous propose Alfred. Ses personnages sont expressifs, les décors détaillés. C’est un dessin plein de charme, faussement simple, et très lisible. Le travail sur les couleurs est remarquable, permettant de séparer les scènes par des ambiances différentes. Sa couverture façon moyen-âge mérite également tous nos éloges.
« Castelmaure » est un ouvrage assez sombre. Dépourvu d’humour, il tient sa force de sa narration clairsemée. En cela, c’est réussi. L’histoire possède ses originalités et des personnages suffisamment forts pour vous captiver. Un bel ouvrage, bien réalisé.