Évidemment, on ne peut pas s'attendre à exploser de rire à tous les coups, comme au tome 1, justement parce qu'on s'y attend trop ou qu'on en attend trop, parce que la barre, ils l'ont placée haut, les insupportables papys ronchonneurs. Malgré tout, certaines vignettes valent leur pesant de cacahuètes, et les répliques font mouche. Comme fait mouche l'analyse de notre monde si fraternel. Tout semble partir en quenelles, on ne voit que de la dissension à tous les étages, tellement pimentée de violence et de mauvaise foi que ça donne envie de se retirer dans une lamaserie sur une planète déserte. Alors, au lieu de regarder les infos, je recommande une dose de Vieux Fourneaux. Parce que la violence et la mauvaise foi, ils en font un art de vivre, et recyclent ça en saillies désespérées qui ne collent pas avec l'âge de leurs artères mais visent juste : les gencives du Grand Capital, les rotules de la Finance Triomphante, l’épididyme de la Bourse, l'ongle incarné de l’État éborgneur, bref, tous ces petites plaies ouvertes dans l'épiderme de notre belle République. Et ils le font depuis leur campagne profonde, à l'échelle des maires patenôtres à la vision étriquée, comme dans les manifs de la CGT, sur les boulevards parisiens, et ça fleure bon la France, celle des œufs de la ferme et des saisonniers clandestins, des groupes pharmaceutiques et des méchouis villageois. Et on réalise quel grand écart insensé nous sommes censés effectuer quotidiennement, et on comprend mieux les résistances obstinées de vieux allergiques au Progrès et à la fuite en avant technologique, ou la tentation identitaire de jeunes séduits par des arguments complètement déconnectés de ce qu'un être humain attentif est susceptible de ressentir au fond de lui, voire l'aveuglement de ceux qui préfèrent gober ce qu'on tente de leur faire avaler de force, de guerre lasse, sachant l'énergie que ça demande de nager à contre-courant dans une mondialisation en forme de tsunami. Bref, ils ratissent large, nos Vieux Fourneaux, et ils le font avec leur caractère de chien, franchouillard, pénible et sympathique à la fois. Ils peuvent rendre dingue, mais ils incarnent des courants qui tiraillent la société française et nous concernent tous au premier chef, et c'est pour ça qu'on les adore et qu'on a envie de les achever à coups de tatane en même temps. Mais on va s'abstenir de le faire, juste parce qu'ils sont capables de proférer l'imprécation la plus drôle de la galaxie ("Qu'il crève du tétanos ! Le tétanos du cuuuul!") et que, s'ils n'étaient pas là pour le faire, le monde serait bien plus terne...