Avec Chihuahua Pearl (1973), Jean-Michel Charlier et Jean Giraud (Moebius) offrent un épisode explosif de Blueberry, où l’Ouest américain se pare de ses plus belles pépites : des duels tendus, des conspirations, et une héroïne aussi intrigante qu’insaisissable. Ce treizième tome marque le début d’un nouvel arc narratif qui plonge Blueberry dans une intrigue où chaque carte jouée semble trempée dans le whisky… et le sang.
L’histoire commence sur les chapeaux de cow-boys : Mike Blueberry, fraîchement sorti d’ennuis précédents (comme d’habitude), se retrouve entraîné dans une affaire de trésor perdu lié à la guerre de Sécession. Et là, entre en scène Chihuahua Pearl, une chanteuse de saloon aussi séduisante que redoutable, qui ne tarde pas à brouiller les cartes avec son charme et ses motivations ambivalentes. Blueberry, fidèle à son rôle de héros pragmatique et roublard, se retrouve face à un cocktail explosif de cupidité, de trahison, et de balles qui sifflent à tout va.
Blueberry brille ici par son charisme inégalé. Toujours aussi débrouillard et irrévérencieux, il incarne le cow-boy désabusé qui sait que le Far West est un endroit où la morale n’a pas sa place. Sa relation avec Chihuahua Pearl ajoute une dimension savoureuse au récit, oscillant entre séduction, méfiance, et complicité. Elle, de son côté, est un personnage fascinant : forte, indépendante, et pleine de mystères, elle n’a rien à envier aux héros masculins de l’histoire.
Visuellement, Jean Giraud livre des planches à couper le souffle. Les décors du Far West, des saloons enfumés aux déserts arides, sont d’une richesse et d’un réalisme impressionnants. Chaque case regorge de détails qui plongent le lecteur dans l’ambiance, tandis que les scènes d’action, qu’il s’agisse de poursuites ou de duels, explosent d’énergie. Mention spéciale aux expressions des personnages : un simple regard de Chihuahua Pearl peut être plus perçant qu’un coup de revolver.
Le scénario de Charlier est un modèle de construction. L’intrigue, bien que complexe, reste claire et captivante, avec des rebondissements savamment dosés. Les dialogues sont percutants, mêlant tension dramatique et humour mordant. Mais ce qui fait la force de cet album, c’est son ambiance : un mélange parfait d’aventure, de suspense, et d’un soupçon de romance qui donne au récit une profondeur inattendue.
Si Chihuahua Pearl a un petit défaut, c’est peut-être son statut d’introduction à un arc plus large. Certaines intrigues restent en suspens, et l’on sent que cet album est avant tout un prélude à des événements encore plus grands. Mais loin d’être frustrant, cela donne simplement envie de se précipiter sur la suite pour voir comment Blueberry va se sortir du pétrin dans lequel il s’est (encore) mis.
En résumé, Chihuahua Pearl est un western de haute volée, où Charlier et Giraud démontrent une maîtrise totale de leur art. Entre une intrigue haletante, des personnages mémorables, et des dessins sublimes, cet album est une véritable pépite du Far West. Blueberry prouve une fois de plus qu’il est l’un des héros les plus charismatiques de la bande dessinée, et Chihuahua Pearl s’impose comme une figure incontournable de la série. Une aventure à savourer comme un bon verre de bourbon : intense, complexe, et pleine de saveurs.