Avec Chroniques de Jérusalem, Guy Delisle nous offre une immersion décalée et sans filtre dans l’une des villes les plus fascinantes et complexes du monde. Armé de son crayon, d’un regard acéré, et d’un humour pince-sans-rire, il se transforme en observateur candide mais jamais naïf des contradictions qui animent Jérusalem.
L’album se déroule durant une année passée sur place, tandis que Delisle accompagne sa compagne engagée dans une mission pour Médecins Sans Frontières. Entre balades dans des quartiers où l’histoire semble sortir des pavés, et déambulations dans un quotidien rythmé par les checkpoints et les tensions religieuses, Delisle croque avec ironie et sensibilité une mosaïque de situations qui oscillent entre le burlesque et le dramatique.
Le dessin minimaliste et efficace de Delisle est parfait pour cet exercice. Chaque trait semble pesé, chaque case raconte avec une économie de moyens qui donne d’autant plus de force à ses observations. Mais cette simplicité graphique contraste avec la complexité du sujet, et c’est précisément ce contraste qui rend l’album si percutant. Vous rirez d’un épisode où il galère avec un appareil photo dans un quartier ultra-orthodoxe, pour être ensuite cueilli par un moment plus grave, comme une discussion sur les injustices du mur de séparation.
Le ton du récit est souvent humoristique, mais sans jamais tomber dans le cynisme. Delisle sait doser son ironie, utilisant son regard extérieur pour souligner les absurdités du quotidien, tout en respectant la gravité des enjeux qu’il décrit. C’est un équilibre délicat, et l’auteur s’en sort avec brio, même si certains pourraient trouver que l’humour atténue parfois l’impact des drames évoqués.
Mais si Chroniques de Jérusalem est une réussite, il n’est pas exempt de critiques. L’aspect "journal de bord" peut donner une impression de répétition, et certains passages semblent moins aboutis que d’autres. On pourrait aussi regretter que Delisle, en tant qu’observateur extérieur, reste parfois en surface de certains sujets. Mais peut-être est-ce là son intention : montrer qu’il est impossible de vraiment comprendre Jérusalem, même en y vivant.
En résumé, Chroniques de Jérusalem est une œuvre captivante et riche, qui jongle entre rire et réflexion avec une aisance admirable. Un album qui prouve qu’avec un carnet et un crayon, on peut rendre les complexités du monde aussi accessibles qu’un bon café sur une terrasse ensoleillée.