Je ne sais pas trop quoi penser de ce Cigish ou Le Maître du Je que j'ai pourtant lu sans déplaisir, tout en me disant que le lire en format papier, c'était un peu arrivé en retard.
En effet, cette bd était à l'origine un blog dans lequel Florence Dupré Latour raconte une histoire : elle décide d'agir comme si elle pensait comme Cigish, le nain nécromancien qu'elle incarnait dans ses parties de Jdr. En s'auto-racontant, elle décide de pousser le bouchon un cran plus loin, en incarnant des personnages dans les commentaires, sur les sites de bande dessinée quitte carrément à inventer un faux site de critique dans lequel elle va trainer d'autres auteurs dans la boue, ainsi que son propre travail.
Du coup, c'est super cool (et pour le coup, j'ai jeté un coup d'oeil, les sites et commentaires en question existent vraiment, avec des photos et des vidéos parfois pour prouver que c'est réel) mais en l'absence de ce jeu de piste, le fait que tout soit retranscrit tel quel dans le livre nous fait dire "Ok, tout est faux de base : les coms retranscrit ont été tapé par l'auteur elle même, les éditeurs de bd qui lui refusent son projet, les chasseurs de dédicaces, les étudiants qui la reconnaissent de son blog... tous sont potentiellement des inventions." Ce qui fait qu'on décroche vite du questionnement que le récit tente de nous poser sur la collusion de ce qu'on raconte sur le blog avec le réel.
Peut-être que ce blog arrive trop tard. En 2005, les blogs bds c'était quelque chose, notamment avec toute l'aventure qu'aura connu le Blog de Frantico : tout le monde s'y met. Il y a une interactivité, avec des clashs intra-bd (cette époque où il y avait des gens qui étaient "Pro-Laurel" ou "Pro-Cha" , mais aussi des défis, des jeux avec les commentaires, etc..). A l'époque le média était nouveau et attirait beaucoup de gamins et d'ados.
Du coup, 10 ans plus tard, c'est un peu une sorte de combat d'arrière garde : les blogs bds font moins parler d'eux et bien plus pour leur contenu (telle page du blog de Laurel, de Bagieux, ou autre) que le questionnement sur le rapport entre virtuel et réel. Celui-ci s'est bien plus centré vers YouTube où il a décuplé d'une façon assez flippante.
Mais... si on enlève ça, la bd reste franchement bonne, bien racontée avec un trait intéressant. Voire même avec le temps, il sera une sorte de témoignage d'un certains état de la bd dans les années 2000 : les blogs, les commentaires secs, les sites de critiques, les chasseurs de dédicaces qui revendent sur E-bay, l'état de l'édition de la bd en France, etc... Une bd qui sera peut-être intéressante à relire dans dix ans.