De City Hunter, je ne conservais que des souvenirs brumeux teintés de nostalgie, ou tout du moins de son adaptation télévisée. Un gigantesque exercice de dénaturation à la française rebaptisé Nicky Larson pour faire plus "ricain", où les restaurants végétariens remplaçaient sans aucune logique les love hôtels, et où les bad guys prêtaient plus à rire qu'autre chose, sacrifiés sur l'autel de la gaudriole franchouillarde. Fortement encouragé par ma dulcinée fan de la première heure des aventures de l'homme au mokkori frétillant, je me suis replongé dans l'oeuvre de Tsukasa Hojo avec, je dois dire, une certaine délectation.
Publié entre 1985 et 1991 dans le magazine Weekly Shonen Jump, puis sous forme de volumes dont le nombre varie selon les éditions (une trentaine, grosso merdo), City Hunter permet à Tsukasa Hojo de livrer sa version bien personnelle du roman noir, une odyssée tout d'abord très sérieuse, sombre et violente mais qui, faute de succès, va rapidement s'orienter vers plus de légèreté sur les conseils de l'éditeur.
L'humour graveleux et coquin va ainsi devenir un parti pris immédiatement reconnaissable mais heureusement bien géré, offrant à l'oeuvre d'Hojo non seulement son public mais aussi son identité. Certes omniprésent, cet aspect ne désamorce cependant jamais tout le potentiel émotionnel et tragique d'un univers fait de trafics de drogues, de prostitution et de magouilles politiques, et encore moins la complexité des personnages et de leurs interactions.
Si la série s'articule autour d'intrigues extrêmement schématiques, donc redondantes sur la durée, elle offre à côté de cela une galerie de protagonistes forts et marquants, attachants et souvent émouvants. Des anti-héros marqués par la vie, traqués par la mort, pleins de failles, à l'image d'un Ryo Saeba tout à la fois mystérieux, iconique, séduisant, dangereux ou au contraire, puéril et carrément obsédé par le beau sexe. Son passé, dévoilé au compte-gouttes au lecteur, et surtout ses rapports avec sa partenaire Kaori, tout en non-dits et chamailleries, sont clairement les points forts d'un manga aussi drôle et spectaculaire que touchant et complexe.
Faisant la part belle aux personnages féminins qu'il magnifie comme personne, Tsukasa Hojo affine son talent tout au long de sa série, accouchant de planches de toute beauté, à la mise en pages pertinente et au rythme trépidant. Le trait est sublime, l'action lisible, et c'est au final un véritable plaisir à lire malgré sa durée conséquente.