Il y a fort à parier qu'un lecteur novice de 2017 s'étonnerait que le traffic auquel s'adonnent les (nombreux) "méchants" de "Coke en Stock" ne soit pas celui de cocaïne... l'usage du charbon comme combustible ayant disparu de nos contrées... A douze ans, j'avais adoré cet album de Tintin, en grande partie pour son épisode maritime qui permet à Haddock de retrouver un (court) instant son noble métier de capitaine, qui multiplie les naufrages et les dangers dans une ambiance "de guerre" unique dans l'oeuvre d'Hergé (le commentaire du commandant du "Los Angeles" page 54 - "la guerre est finie, non ?" - est d'ailleurs à mon sens la seule référence apparaissant jamais dans "Tintin" à la Seconde Guerre Mondiale...). En relisant "Coke en Stock" en 2017, je me rends compte que j'en ai oublié les péripéties - qui sont, de fait, peu mémorables - à l'exception de cette petite trentaine de pages maritimes (la moitié du livre quand même) qui restent elles-mêmes absolument parfaites. C'est que "Coke en Stock" souffre d'un scénario marabout-de-ficelle incroyablement laxiste, qui se contente surtout de faire réapparaître sans véritable raison un grand nombre de personnages des albums antérieurs : l'on sait que Hergé avait décidé de copier ce truc dans la "Comédie Humaine" de Balzac, on comprend moins le j'menfoutisme de la narration, puisque Hergé était dans les années 56 à 58 sorti de sa dépression, et qu'il pouvait se consacrer totalement à un Tintin dont le succès international explosait... A moins de supposer que son nouvel amour pour la jeune Fanny ait eu un moment priorité sur sa fameuse conscience professionnelle ! Bref, "Coke en Stock" est un album qui divise le lecteur, entre magie et ennui - encore une histoire de déambulations au Moyen Orient ! Les gags fastidieux autour des farces d'Abdallah (l'un des personnages les moins intéressants de la saga), la régression absurde de Tournesol, rétrogradé de grand ponte de la conquête spatiale à inventeur de patins à roulettes motorisés, la froideur croissante du personnage de Tintin lui-même, ont malheureusement le dessus sur la pertinence de la dénonciation de la traite d'esclaves au Moyen-Orient, et surtout sur la noirceur très réaliste de la conclusion du livre : les "méchants" se tirent aisément d'affaire, comme dans la vraie vie (même s'il s'agissait sans doute pour Hergé d'avoir la possibilité de les faire revenir plus tard !). [Critique écrite en 2017]