Carole Maurel fait son petit bout de chemin. Les sorties se succèdent, en solo ou avec des scénaristes. Outre que ses collaboratrices soient des femmes, les sujets portent également sur des thématiques liés aux femmes. Voilà qui permet de dépoussiérer un peu les thèmes récurrents du genre. J’avais été un peu déçu du scénario de « L’apocalypse selon Magda » et espérait que « Collaboration horizontale » me transporterait plus. Le tout est publié chez Delcourt.


« Collaboration horizontale » raconte l’histoire de personnages habitant le même immeuble à Paris pendant l’occupation. Comme la guerre est passée par là, il y a surtout des femmes. Le seul homme véritablement à résidence est aveugle, c’est dire. On sent une volonté de traiter le sort de toutes les femmes réunies dans un seul immeuble : on va de la collaboration à la résistance. Et Navie nous rajoute quelques thèmes hélas plus universels : prostitution, violences conjugales…


Mis plus en avant, c’est d’idylle entre un officier allemand et une jeune femme qui sert de fil rouge. Cette relation amoureuse est finalement assez simple formellement (un coup de foudre et c’est parti !). En en faisant un couple jeune et naïf, les auteures mettent un grain de légèreté dans une ambiance plombée et on imagine parfaitement combien cela devait gêner à l’époque…


La narration chorale n’est pas toujours évidente à suivre. Il y a beaucoup de personnages, d’enchevêtrements, mais on s’y fait à la longue. Une relecture n’est pas de trop pour bien saisir tous les personnages. Si bien que plus que l’histoire d’amour, c’est l’histoire de l’occupation française qui nous est conté, concentré dans un immeuble et vécue par les femmes. Cet angle est bien exploité. Et si Rose, l’héroïne est un peu effacée, les personnages ont tous un caractère bien trempé !


Au niveau de la narration, Navie parvient à intercaler des flashbacks qui viennent enrichir l’histoire. De même, si les dialogues sont essentiels dans « Collaboration horizontale » entre les résidents de l’immeuble, beaucoup de séquences sont également muettes. Ces respirations dynamisent la lecture et la mise en scène. Il est aussi à noter que l’ouvrage en soit est très bien pensé et finalisé. Je ne veux pas spoiler, mais des éléments poussent à la relecture. On sent que l’objet a été vraiment conceptualisé.


Le trait de Carole Maurel fait toujours des merveilles. Doux, léger, dynamique, moderne, il est plein de qualité. Contrairement à « Luisa ici et là » ou « L’apocalypse selon Magda », il se fait plus expérimental ici par séquences. On sent que sa scénariste a dû la pousser pour certaines scènes (ne serait-ce que pour la couverture). Carole Maurel sort du « joli » pour aller plus loin. « Collaboration horizontale » fait passer un cap graphiquement à l’auteure et on ne peut que sans réjouir. Les pleins pages sont marquantes et la technique s’adapte selon les besoins : flashbacks, souvenirs embrumées, émotions ressenties… Un travail remarquable !


« Collaboration horizontale » parvient, en un ouvrage, à traiter différents thèmes de façon intelligente. En adoptant l’histoire des habitantes d’un immeuble pendant l’Occupation, Navie peut traiter de plein de sujets et le fait bien. Le dessin de Carole Maurel vient sublimer le tout, y apportant autant la douceur de son trait et la puissance de ses images. Une belle collaboration !

belzaran
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le 10 août 2017

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belzaran

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