J'ai pris ce manga pour deux raisons. Il contenait un long commentaire de Rumiko Takahashi et son titre me proposait apparemment des récits traditionnels.
En fait, l'auteur écrit des récits en marge de contes traditionnels célèbres. On n'a pas le récit de l'histoire de Kaguya, on a une histoire inspirée de la fin du conte de Kaguya qui va sur la Lune avec des gens qui veulent la suivre et ça fait un petit récit poétique personnel. J'ai pensé au film de Fellini en le lisant "La Voce della luna", quand la Lune a été enchaînée sur la Terre et que pour le représenter Fellini ne montre pas une Lune, mais de gros projecteurs de cinéma qui font passer une lumière blanche à travers des arcades. Ici, les gens qui suivent Kaguya sont pris dans une lumière blanche qui s'étend à tout d'un coup sur plusieurs pages.
On n'a pas le récit du gars qui a rencontré une tortue, été emmené dans les flots et qui ouvre une boîte et devient vieux. Il est tout de suite vieux au début du récit et on a l'histoire d'une petite fille du village qui ne veut pas qu'on vende le veau.
Donc ce sont des histoires personnelles de l'auteur sur fond de contes traditionnels connus de tous les japonais. Notre méconnaissance ne nous empêche pas trop de suivre les histoires, pas du tout je dirais., encore que pour le récit Urashima Tarô encore heureux que j'avais des repères. le récit Momotaro suppose aussi que le lecteur sait de qui on parle.
Il y a plusieurs récits fantastiques animaliers.
Il y a un côté happy end qui fait que je ne prends pas pleinement mon pied, mais il y a un réalisme assez fascinant. Le réalisme, ce n'est pas les dessins ou simplement la manière de raconter, c'est les idées auxquelles on ne penserait pas et auxquelles l'auteur a pensé.Les enfants trouvent une carapace de tortue, et ils jouent avec. Ils ne la tuent pas, ça reste sans conséquence, on a juste des petits sauvages curieux. On a une personne riche qui veut racheter un veau pour faire du trait, mais pendant que la paysanne roupille il s'amuse à monte le veau comme un cavalier, et la fille lui crie : "il est encore à nous", et le gars s'en va en recommandant de prendre soin de la bête qu'il va bientôt acheter. On vit des moments de réalité prosaïque qui ont toute leur place dans le récit, mais on sent bien qu'il fallait y penser à cette scène-là. On sent que si l'auteur ne pensait qu'à l'intrigue et pas à l'immersion dans une vraie vie il n'y aurait pas de telles scènes.
Les dessins sont très fouillés, très soignés, on n'est pas dans l'économie de moyens du manga qui doit se vendre et puis c'est tout. Ce n'est pas un dessin pleinement artiste, mais c'est un dessin qui prend le temps d'être étoffé.
Il s'agit d'un auteur de la génération de Rumiko Taahashi, à peine un peu plus vieux, il a commencé en 1971. Il est également célèbre pour avoir raconté ses trois vies passées en prison en manga en 1996, il avait été condamné pour détention illégale d'armes.
Le commentaire de Rumiko Takahashi est assez long et très fin.
Une lecture qui en valait la peine, en plus d'offrir quelque chose de rafraîchissant, un manga d'un profil atypique avec des dessins et un esprit de la narration presque plutôt européen, avec des récits pourtant spécifiquement liés au folklore japonais.