Recueil de fables, de contes en bande dessinée. C'est drôle, mordant, cruel, noir. Il y est question de la place de la femme dans une société patriarcale dans laquelle c'est l'homme qui doit rapporter l'argent à la maison, d'enfance, des conflits de génération, du chômage, de l'accès à l'instruction, à la culture, de l'apparition de nouveaux virus. Les sociétés de Ersin Karabulut sont dystopiques, utopiques, carrément flippantes et pas vraiment souhaitables. Il pousse le raisonnement et les dérives de nos sociétés actuelles à leur paroxysme : pourquoi sauver un enfant si cette bonne action nuit à sa carrière professionnelle ? Pourquoi ne pas vendre son corps si cela sert la notoriété, posthume certes, mais notoriété tout de même ? Et si la lecture et donc l'ouverture d'esprit, la curiosité devenaient des défauts à combattre ?
Les histoires dérivent vers le fantastique parce qu'en déroulant son raisonnement et en le poussant on arrive à des comportements qui, pour le moment, nous paraissent décalés et très loin des nôtres, mais qu'en sera-t-il dans vingt, trente ou cinquante ans ? C'est une critique sévère, une satire sociale et politique sans voile. C'est diablement bien fait et le graphisme qui peut changer d'une histoire à l'autre augmente le plaisir. Les scénarios sont inventifs et violemment critiques. Ersin Karabulut, que je découvre avec cet album, est un bédéiste de talent.