Tout ou rien...
C'est ce genre de film, comme "La dernière tentation du Christ" de Scorsese", qui vous fait sentir comme un rat de laboratoire. C'est fait pour vous faire réagir, et oui, vous réagissez au quart de...
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J'enseigne l'Histoire-Géographie et j'ai fait cinq ans de collège en région parisienne. Quand j'ai vu cette couverture, j'ai soupiré. Le même soupir que quand j'ai dû faire un discours pour le fait de renommer notre salle polyvalente en salle Samuel Paty. Car pour nous enseignants, c'est un symbole éminemment douloureux. Pas seulement pour la liberté d'expression (la seule chose qui intéresse les politiques), mais pour ce rappel terrible : une gamine qui raconte n'importe quoi sur un cours auquel elle n'a pas assisté peut aboutir, par une réaction en chaîne terriblement inflammable, à vous faire décapiter par un Tchéchène.
Je persiste dans l'idée que le titre est profondément mal choisi, car il renvoie à Charlie Hebdo, alors que le sujet central de ce livre, et ce qui fait sa force, c'est le quotidien d'un enseignant. Ce qui fait qu'il prend plaisir à transmettre en établissant un lien avec un groupe d'adolescent qui, au fil de l'année, devient une classe. Le côté fatiguant et chaleureux du métier en collège. Les équilibres humains compliqués de la salle des profs, des rapports à la hiérarchie.
La bande dessinée humanise Samuel Paty à partir de témoignages d'anciens camarades : son passage en khâgne, ses compagnons d'IUFM, son initiation au rock gothique dont il était friand. Sa soeur et son ex-compagne ne sont quasiment pas évoquées en revanche. Il ressort de ce portraît celui d'un homme droit, sensible, menant une existence routinière mais habitée, quoiqu'assez solitaire.
Pour le reste, on reprend la chronologie des faits pour comprendre l'enchaînement des situations, aussi bien du côté du père d'élève qui lance l'incendie sur les réseaux sociaux que dans la manière dont le DASEN et la salle des professeurs réagit. Et la cruelle réalité, c'est que le DASEN, même si ses réactions n'ont pas été fulgurantes, a fait preuve de davantage de mesure que certains collègues. Il n'y a pas plus cruel envers un prof qu'un autre prof.
La bande dessinée invite à faire preuve d'empathie pour la principale, même si cette dernière fait un signalement à propos de Samuel Paty pour atteinte à la laïcité : on suggère qu'elle le fait pour se couvrir, sur le coup de l'émotion, parce qu'elle n'a pas toutes les informations. Le reste de la séquence la montre plutôt soutenir Paty, avec même un épisode lunaire où elle le croise faisant du footing alors qu'il était censé rencontrer des mères d'élèves musulmanes. C'est bien que cet épisode incongru n'ait pas été occulté.
Une bande dessinée que de mon point de vue tous les collègues devraient lire, avec la question à 1000 francs : aurais-je été de ceux qui ont défendu leur collègue pendant cette semaine de tension qui a précédé le drame ?
Créée
le 10 déc. 2023
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