Cutie Honey par Ninesisters
Alors ce qui est marrant, c'est que je sais que Go Nagai a commencé sa carrière en provoquant un mini-scandale avec son titre L'Ecole Impudique, je sais aussi que les animes sont généralement édulcorés par rapport à leurs versions manga et que Honey est pourtant une héroïne très libertine dans sa série TV. Malgré tout, j'ai été un peu surpris par la violence et le côté pervers de ce titre. Non pas que cela me dérange.
La violence possède pourtant un côté choc, puisque l'auteur montre des personnages se faire massacrer à la pelle, notamment parmi les innocents ce qui surprend toujours. Si j'ai bien saisi sa mentalité, il souhaite ainsi montrer à ses lecteurs les horreurs de la guerre, et que dans la réalité, être un gentil n'épargne pas de devenir une victime.
Quant au côté pervers, il n'est pas là juste pour le plaisir de montrer des femmes à poil, j'y vois plus une volonté de faire de l'humour. Car cela va tellement loin qu'il n'est plus possible de le prendre au sérieux. Une des armes de Go Nagai est sans doute son humour – du moins dans ses manga, même si Shin Mazinger Z pioche dans le même registre – et sa capacité à créer des situations aberrantes et qui pourtant paraissent crédibles ; cela tient beaucoup aux personnages, qui peuvent atteindre des sommets de délire : la pension de Honey dispose d'un bestiaire des plus surprenants, entre les perverses, les sadiques, et les monstres poilus.
Et dire que certains titres récents nous paraissent trop « ecchi » ou sanglant... je me gausse.
Mais même s'il s'agit de ce que nous remarquons en premier, ce manga ne se limite pas à cela.
Bon, j'avoue, nous remarquons aussi le graphisme ; et là, il y a du bon comme du mauvais. Déjà, Go Nagai a toujours un peu de mal à dessiner les têtes des personnages ; même si Honey peut apparaître extrêmement belle, l'auteur a plus de maîtrise quand il s'agit de créer des protagonistes comiques et difformes, à l'image du vieux Dambei. Idem au niveau des proportions des corps, il a un peu de mal. Mais j'ai tout de même bien ressenti son apprentissage auprès de Ishinomori : son découpage est vif, inventif, proche du cinéma et en cela il arrive à faire mouche. Les décors sont détaillés, l'auteur sait quand il doit affirmer certains traits pour donner de l'intensité, de la gravité, à ses images. Les premières pages du manga – la naissance de Honey – résument à elles seules toutes les qualités (et les défauts) du style graphique de Go Nagai.
Pour le reste, j'ai adoré lire ce manga. Même s'il y a de l'humour et que les scènes d'action sont entrecoupées de passages plus libertins, Cutey Honey est un drame poignant dans lequel nous allons suivre les tourments de Honey, une héroïne au fort caractère. En deux volumes, je n'ai absolument pas eu le temps de m'ennuyer, enchainant moments de détente et moments palpitants, terriblement prenants grâce au découpage incroyablement efficace de l'auteur, et parfois terriblement forts. L'art et la manière de raconter une histoire selon Go Nagai, c'est quelque chose qui ne ressent qu'en manga.