Cette BD me fait sentir ambivalente. Il y a clairement de l'idée derrière elle, mais certains éléments me turlupine et manquent de clarté. Au début, je me disais que c'était un moindre mal, vu les bonnes idées exploitées, mais en contrepartie, je me dis que si c'est peu clair pour moi, est-ce que cela le sera pour le lectorat visé?



Dans un pays d'automne, un roi cupide et haineux fait éliminer des communautés de kitsune, êtres mi-renard mi-humains, au nom d'une idée bien mystérieuse. C'est au nom de cette cupidité et de cette haine que Kitsune, jeune kitsune, perd son village. La déesse Amaterasu, déesse du soleil, lui fait parvenir un morceau d'ambre par ses deux serpents-messagers. La jeune fille ne comprend pas L,importance de cet objet et bien vite, le perds dans le courant d'une rivière. Il est retrouvé entre les mains d'onibis, entités de feu bleues qui proposent de lui restituer moyennant paiement. Ce prix, c'est le coeur pur du petit prince du royaume. La kitsune ayant de la rancoeur envers le roi, qui lui a tout prit, elle se montre d'abord enchantée de cet échange. En réussissant à faire sortir le prince du château et en voyageant avec lui vers les marécages des onibis, la kitsune est appelée à change d'avis. Quand, dans un malheureux concours de circonstance le prince se voit dépossédé de son coeur pur, Kitsune devra faire des choix difficiles pour faire ce qui lui apparait juste.




C'est un univers de la haute Fantasy, mais qui comprend des éléments de la culture nippone ( japonaise) comme la déesse Amaterasu, déesse du soleil, les onibis et les kitsune, respectivement des sortes de feu follets bleus d'esprit trépassés et des êtres mi-renard mi-humains. On remarque aussi la touche japonaise dans la structure du château du roi et le kimono de la reine. En revanche, les personnages ont l'air bien plus européens avec leur couleur de cheveux et leur yeux ronds.



Cette critique comprend des divulgâches.



Dans les éléments qui m'ont semblé moins maitrisés, je remarque le manque de fluidité de certains passages, avec des répliques qui sortent un peu de nul part et moins soutenu par la réaction des personnages. C'est d'ailleurs le second point qui me semble parfois confus: les expressions des personnages sont souvent floues. Kitsune a souvent l'air bougonne, même triste, ce qui rend parfois la lecture de son registre émotionnel compliqué ou incertain. le choix du nom de "Kitsune" qui est une kitsune est un peu rébarbatif parce que c'est très peu original et ça ajoute à la confusion. Aussi, on comprend parfois mal ce que sont les entités en présence, comme les onibis. À un certain moment, Kistune tente de récupérer son ambre et se brûle sur l'un d'eux, mais la case d'après, l'un de onibis lui glisse sous le menton sans la brûler. À un autre moment, les onibis se moquent de Kitsune parce qu'elle avait la chance de sauver autant la renarde que le prince, mais j'ai beau me creuser la tête, je ne vois pas comment. Bref, il y des des soucis de cohérence. Enfin, certains éléments auraient mérités d'être plus clairs, comme la raison du choix de Kitsune à la fin, qui l'oblige à choisir une forme de renard ou d'humaine ou la transformation du pays d'automne en pays d'hiver. J'aurais également aimé comprendre en quoi Kistune est différente des autres kitsune, puisqu'un de ses parents est humain. Je me demande également comment Lily, visiblement capturée de force et violée ( puisqu'elle est enceinte du roi), a pu être considérée comme "simplement partie" par le roi. Un peu de déni ici, monsieur le roi?



Dans les choses que j'ai apprécié, il y a le côté "fable écologique", alors que l'humain tente une fois encore de faire soumettre la Nature - sans grand succès. On comprend à la fin que cette haine du roi envers les kitsune, qui a justifié de bruler leurs villages et donc de les décimer, vient du fait d'avoir vu la kitsune qu'il aimait mourir chez eux. Depuis, c'est un véritable génocide. Une logique de con, mais bon, les tyrans sont rarement sains d'esprit. S'ajoute à cette haine cette fâcheuse masculinité toxique qui lui fait tenir des discours suprématistes de gros mâle alpha du genre "je vais t'éduquer pour que tu deviennes un homme. Un homme doit se faire respecter". Comble de chance, Koyo, le petit prince est un enfant tendre, affectueux, sensible et affectionne la Nature. Il semble tenir de sa mère, qui a sensiblement les mêmes traits de personnalité. Elle est effacée et soumise, c'est triste à voir et chaque constat qu'elle émet est rabroué ou moqué par son époux. Ce même époux qui s'est approprié la mère de Kitsune, liLy, comme un objet. le roi est donc une figure très négative, malgré son air gentil et ses couleurs chaleureuses. Je remarque également que le couple royal est opposé sur leur apparence: elle est chaleureuse, mais semble incarner l'hiver, alors que le roi est glacial et semble incarner l'automne.



Kitsune elle-même est de tempérament difficile, grognonne, peu sympathique et aux airs marabout. Elle semble guillerette seulement en présence des animaux. Autrement, elle semble peu s'entendre avec les siens et se montre agacée avec la plupart des autres personnages. Un personnage qui se laisse pas aisément attendrir, mais dont le coeur de réchauffe au contact de Koyo. Je ne déplore pas son tempérament, on en a relativement peu encore chez les personnages féminins et à sa décharge, elle en a bavé dans la vie. L'important est de savoir reconnaitre ses torts et oeuvrer à faire mieux ensuite, ce qu'elle va faire. le pardon, la progression de l'identité et le contact avec ses racines sont au coeur de son évolution et se laisse apprivoiser enfin par le petit prince, qui porte en lui des espoirs d'avenir meilleurs, lié à un grand respect pour la Nature et le monde en général.



Les décors sont beaux, véritable ode à l'automne et son feuillage rouge vif. La québecoise que je suis reconnais là ses forêts d'automne! Les petits glands animés étaient vraiment mignons, tout comme les onibis d'ailleurs. Je dirais que de manière général, tout est mignon dans cette BD sauf le tempérament de Kitsune et l'attitude macho du roi. le visuel est beau, rondouillard, chaleureux et les arbres sont superbes. Ça respire autant la vie que la magie. Les tons froids mauves et bleus viennent accentuer la présence froide des onibis, mignons certes, mais malveillants. Un contraste que je vois souvent, cela dit.


Amaterasu est une superbe déesse dans cette BD, avec ses airs qui me rappelle les divinité africaines. Sa peau noire est un choix très intéressant, qui la rende plus lumineuse de ce fait, parce que le jaune qui l'environne semble plus vif du fait de la présence du noir. Déesse bienveillante, le morceau d'ambre qui a été confié à Kitsune vient d'elle, c'est une larme qui contient l'héritage de la jeune renarde-fille, pleuré par la déesse. Kistune fait donc acte de sagesse quand elle décide d'utiliser cette larme ambrée pour enrayer les onibis. On voit d'ailleurs chaque membre de la communauté de Kitsune sous forme d'âmes, prendre chacun un onibi et les amener "ailleurs". S'affranchir de son passé et confier la suite à ses ancêtres pour trouver la paix me semblent être le symbole de cette scène.



Pourquoi "sagesse"? D'abord, parce qu'elle comprend que la vie est précieuse parce qu'elle a une fin. Ensuite, parce qu'elle est prête à faire un sacrifice à son désavantage afin de réparer ses torts envers Koyo, corrompu par sa faute pas les onibis. Ce traitement de la vengeance, de la perversion de l'âme par la rancoeur et du sincère repentir est très poétique et touchant. Utiliser l'ambre qui contient les âmes de ses pairs revient également à laisser aller, à accepter la nouvelle situation et en prendre acte. Kistune aurait pu le garder et rester immortelle, mais en contre-partie, aurait-elle pu en faire le deuil? Serait-elle restée amère et revancharde et ce, éternellement? Possiblement. C'est donc sage aussi dans ce sens là s'en défaire, surtout pour sauver quelqu'un.



En outre, cette fin a quelque chose de sain pour le royaume lui-même. Désormais gouverné par la reine ( des neiges) un hiver paisible s,installe et avec le petit prince comme héritier, la nature ne sera plus menacée. J'expliquais plus haut en pas comprendre pourquoi la saison dominante a changé, mais le sens que j'en perçoit est cette notion de "passer à autre chose". Il fait dire également que j'aime cette idée d'hiver tranquille, parce que c'est une saison trop souvent associée à des éléments négatifs comme la cruauté, la mort ou les conditions de vie difficiles. Ici, c'est le contraire, on sent que cet hiver à quelque chose de doux et de bienvenu.



Enfin, il y a des références au "petit Prince de Saint-Exupéry. Comme je n'ai pas lu le livre, je ne pourrai sans doute pas faire tous les parallèles, mais je remarque les références d'objets: les roses transparentes de la reine, la présence du renard et du thème de l'apprivoisement et la quête initiatique du petit prince aux cheveux blonds. En outre, à la fin de la BD, madame Domergue y fait référence. Ah, elle fait aussi référence au Yukon et c'est un territoire du Nord canadien, réputé pour ses grands espaces de forêt.



J'apprécie les oeuvres destinées à la jeunesse qui s'amusent à ficeler poésie, culture et magie. Il a de quoi extrapoler et réfléchir, sur notre rapport à la nature, sur la masculinité moderne, sur l'importance de l'héritage, sur la capacité à changer, sur l'inanité de la vengeance et la préciosité des liens affectifs et amicaux. C'est également la possibilité de constater que nos différences physiques sont moins importantes que nos valeurs partagées. Enfin, qu'il existe des choses qui ne se possèderont jamais: l'amour, la nature et notre liberté de choisir. le tout visuellement très beau.



En revanche, après avoir rédigé tout cela, reste que je ne suis pas convaincue par la clarté de l'Histoire. Il aurait fallut un tome 2 pour entrer tous ses sujets. Il est aussi vrai que la filiation de Kitsune est un peu de trop. C'était d'ailleurs une excuse assez minable de la part de roi de détruire des vies parce qu'il a perdu son objet préféré, Lily , la mère de Lily, alors le voir changer d'avis parce qu'il a découvert que Kitsune est sa fille, est quelque peu incohérente.



Sur la question du lectorat, je suis mitigée aussi, finalement. Je me demande ce que les 8-9 ans vont en comprendre malgré tous ces éléments flous et cette cohérence déficitaire. Dans le doute, je monte donc d'un cran vers les 10-12 ans.


Bref, je ne sais pas quoi en penser, parce qu'il me semble y avoir autant de points intéressants que d'éléments boiteux ou trop condensés sans bien définir les thèmes et répondre aux questions.



Pour un lectorat du troisième cycle primaire, 10-12 ans.

Shaynning
5

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le 27 mars 2023

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Shaynning

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