Le concept de cet album n'a aucun sens. Tout vient des années 70, où DC a publié la série "First Issue Special", où chaque numéro était un numéro 1, un pilote pour une potentielle série régulière. Et donc au fil des numéros, ça a balayé un très large éventail de héros et d'ambiances.
L'idée folle de Tom King, c'est de prendre la vingtaine de personnages apparus dans cette vieille série oubliée, des persos pour la plupart restés très méconnus, et d'essayer de faire une grande histoire cohérente avec eux. On va donc ainsi retrouver Atlas, la Green Team, Metamorpho, Lady Cop, Manhunter, les Dingbats of Danger Street, Creeper, Warlord, Doctor Fate, les Outsiders, Code Name: Assassin, Starman et les New Gods. Bref, pas des persos de premiers plans. Et pour Fate, c'est juste son casque.
J'ai lu l'intégrale des 13 numéros de First Issue Special il y a quelques semaines, avant de m'attaquer à ce Danger Street (ça a été réédité par DC en VO), mais il n'est pas nécessaire de le faire. Ce que propose King est une réinterprétation très libre de ces concepts, un peu à la manière de ce qui se fait dans les adaptations live-action, pour aboutir à un récit sans lien avec la continuité DC, fait pour pouvoir être lu de manière autonome.
Danger Street est donc un récit choral qui s'avère vraiment très bien mené. On prend plaisir à découvrir ces persos très divers et à se demander comment leurs chemins vont se croiser, et puis on se laisse emporté par les différents enjeux individuels et les quelques mystères. La juxtaposition entre les différents "niveaux de réalités" des protagonistes est vraiment très réussie, King et Fornés s'amusant beaucoup à souligner l'absurdité d'avoir dans un même récit des persos comme Lady Cop, qui est juste une flic d'une petite ville qui peut avoir des problèmes d'imprimante, et d'autres comme les New Gods, avec tout leur décorum dément, leur portée mythique et leurs enjeux cosmiques.
On retrouve bien sur plein de marottes du scénariste, que ce soit les trop nombreuses insultes censurées, divers effets de style et les personnages de héros déchus/perdus, qui font des erreurs et qui se questionnent sur comment faire le bien... Et ça culmine probablement sur l'improbable 8e numéro, qui casse tous les codes établis dans le reste de la série, pour partir dans un exercice de style où c'est du King à son paroxysme (et c'est, sans surprise, son numéro favori).
Mais globalement, j'ai trouvé que c'était vraiment une très bonne lecture. King arrive à faire des personnages attachants et des scènes percutantes, et les dessins de Fornés colorisés par Dave Stewart sont très chouettes, un peu dans la lignée de ce que faisait Gerads sur Mister Miracle, avec cette manière très efficace de rendre terre-à-terre et un peu absurde les éléments les plus bigarrés.
Bref, si les persos (très) méconnus ne vous font pas peur et si vous aimez le style du scénariste, c'est vraiment un très bon comics que je recommande.