Intriguant et touchant…
Voilà ce que je dirais si on me demandait de résumer "Dans l’intimité de Marie", en deux mots !
Alors oui, le pitch a déjà été vu et revu : les histoires de changements de corps fille/garçon, c’est loin d’être une première !
Mais ce qui est toujours intéressant c’est de voir comment un auteur joue avec des codes préétablis, les transgresse, les interprètes, se les appropries…
Généralement ces histoires de changements de corps servent de prétextes (+- subtils) pour de « l’humour » (visible à 100 km) et des scènes de ecchis, de voyeurisme et autres, mais pas ici.
Même si le « héros » de notre histoire ; Isao, (une espèce de Neet*) a suivi Marie pendant près d’un an et rêvait même de relations intimes avec elle, il ne l’a jamais harcelée, ni même vraiment approchée, vu que pour lui c’est « l’ange de la supérette ». Et donc quand il se retrouve dans le corps de Marie, plutôt que de faire ce que ferait la plupart des garçons (et moi le premier) : explorer ce corps inconnu (et désiré), Isao lui cherche d’abord à comprendre ce qu’il s’est passé.
Il respecte tellement Marie, qu’il va jusqu’à fermer ou carrément se bander les yeux pour se changer ou prendre son bain…
Bien sûr, Isao, comme tout garçon qui se respecte, est attiré par les filles, a des fantasmes, des envies, mais le fait de se retrouver dans la peau de son « ange » lui permet de voir le regard des hommes (anciennement le sien) sur la gente féminine et sur Marie en particulier. Une espèce de mise au point sur la condition de femme (ici, en l’occurrence jeune femme ^^).
La narration est clairement centré sur Isao et ses interrogations sur le « pourquoi du comment » il s’est retrouvé dans cette situation et comment s'en sortir mais aussi sur les relations et interactions hommes/femmes.
Evidemment, nous avons droit aux inévitables et prévisibles quiproquos, comme la scène du vestiaire des filles, ou la copine qui comprend directement que Marie n’est pas vraiment Marie… Mais l’auteur joue habilement avec ces passages prévisibles, voire obligatoires vu le thème, et parvient à surprendre le lecteur grâce notamment au côté touchant qu’il distille dans son œuvre.
Les mystères développés et entretenus au fil des pages y sont aussi clairement pour beaucoup...
Le dessin est très soigné, réaliste. immersif, collant parfaitement aux propos du manga. Même si l’auteur montre des corps légèrement vêtus voire très dévêtus par moments, on n’y trouve aucune trace de mauvais gout ou de volonté de jouer du fan-service. Si passage dévêtu il y a, c’est au service du récit.
Le découpage est sobre et efficace (ici pas de cases partant dans tous les sens) et se focalise avant tout sur les personnages et la narration.
L'édition d'Akata, est comme d’habitude de belle facture : papier épais, impression de bonne qualité et même une petite page en couleur en ouverture de tome.
Bon, il n’y a pas que des qualités non plus : le principal bémol pour moi est la lenteur de l’avancée de l’intrigue !
Même si l’auteur joue plutôt bien avec son récit et ses personnages, force m’est de constaté qu’il ne s’y passe pas encore grand-chose…
Néanmoins malgré ça, on sent « qu’il y en a là dessous », et que dès que le titre aura trouvé et imposé son rythme, la suite ne pourra que se bonifier !
Car malgré le thème plus que connu, on sent la promesse (et la volonté de l'auteur) d’un développement aux antipodes des recettes habituellement utilisées dans ce genre de titre.
Encore une pioche atypique à ajouter au catalogue d’Akata !
**Neet : Terme désignant les personnes coupés de toute vie sociale , renfermés sur eux-mêmes ou encore sans emploi ou ayant stoppé les études. Littéralement : Not in Education, Employment or Training.*