A l’instar du renouveau de Batman avec le célèbre The Dark Knight Returns signé par le maître Frank Miller, ce dernier s’est également illustré dans le monde des comics en remettant au goût du jour un super-héros en mal de notoriété : Daredevil.
Aidé par le talentueux David Mazucchelli au dessin, Miller plonge ainsi Matt Murdock dans le New York des années 1970, rongé par la corruption et soumis à l’emprise du Syndicat qui fait régner une terreur sans pareille. Dès les premières pages, on reconnaît le style noir de l’auteur, ce qui laisse présager d'un récit épique.
Et en effet, fini les happy-ending : Daredevil doit ici faire face à son pire ennemi. Le Caïd, non content d’avoir su découvrir l’identité de celui qui se cachait derrière le costume de l’Homme sans peur, va s’employer à détruire tout ce qui compte le plus aux yeux aveugles de l’avocat justicier. Le criminel agissant de manière méthodique et calculée, le monde de Murdock va ainsi peu à peu s’écrouler, le laissant sans défense face au déchaînement de violence de ses ennemis. D’éminent avocat respecté par tout Manhattan, le héros devient alors un paria renfermé sur lui-même, laissé pour mort au coin d’une ruelle crasseuse. Mais c’est dans l’adversité…
L’arc narratif Born Again est donc un chef d’œuvre maitrisé de la première à la dernière page. Ancrant son récit dans une Amérique en proie à une schizophrénie grandissante causée par la Guerre Froide et les conflits extérieurs (parfaitement illustrée avec le super-soldat Nuke, programmé pour tuer au Vietnam et envoyé en plein centre de New York pour éliminer Daredevil), Miller dresse le portrait d’une société paranoïaque en quête d’un héros pour la sauver. L’ambiance conférée au récit est sombre et réaliste, à l’image du quartier Hell’s Kitchen et de son taux de criminalité affolant, lieu de réincarnation idéal pour Matt Murdock.
La psychologie des personnages est parfaitement exploitée, entre questionnements et certitudes, abandon et combat. L’auteur se permet même l’introduction d’un Captain America en proie à un doute existentiel, et posant les prémices de la Civil War.
Mais l’essentiel reste cependant centré autour de Daredevil : déjà doté de lourds antécédents (l’abandon de sa mère, le meurtre crapuleux de son père, sa cécité accidentelle…) rien n’est épargné au héros aveugle, qui acquiert ici une nouvelle dimension quasi-biblique. On ne peut en effet s’empêcher de tracer un parallèle entre la descente aux enfers de l’Homme sans peur, et celle de la figure christique ayant connu les pires souffrances avant de ressusciter. Cette allégorie religieuse est également renforcée par le fait que Matt Murdock reste un fervent catholique, confessant sans cesse ses péchés alors même qu’il s’efforce de faire le bien.
Tel un phénix, Daredevil est donc condamné à mourir, pour mieux renaître de ses cendres et continuer son combat qui est désormais devenu son unique objectif, son ultime devoir.