L'obsession des crevettes séchées
Je n'arrive jamais à rentrer entièrement dans un Daniel Clowes. Je lui reconnais du talent et de l'originalité, et même je défends la qualité de ses albums, mais je n'arrive jamais à tomber follement amoureux de ses oeuvres.
Sa mise en scène est toujours distante, froide. La voix off confirme ce fait, par des sentences plus littéraires que naturelles. Mais en soi ça ne m'ennuie pas. Par contre je trouve toujours que ses ellipses s'enchaînent trop vite. J'aime quand un auteur prend le temps de poser les choses. Il est vrai que le scénario est assez compliqué, digne d'un film noir par moment, mais n'utiliser que 4 cases entre deux ellipses c'est trop peu pour moi. Puis je n'aime pas non plus ces cases noires censées justement marquer un arrêt brutal dans la narration, une suspension. En même temps si ça n'était pas là le récit irait vraiment trop vite. Donc ils sont utiles mais j'aurais préféré que l'auteur emploie un autre procédé pour arriver au même résultat.
Le scénario n'est pas des plus simples, il reste de nombreuses interrogations laissant place à l'interprétation subjective du lecteur une fois le livre refermé. Peut-être la relecture permettra de saisir davantage de clefs à ce récit complexe. Il y a aussi cette sensation de fatalité au travers de cet album comme j'avais déjà eu en lisant Ghost World. Ce n'est pas que j'ai quelque chose contre cette thématique, bien au contraire, mais j'ai eu, du coup, l'impression que le récit, parfois se reposait un peu trop là dessus pour laisser admettre quelques grosses ficelles ou facilités scénaristiques. De même, la fin m'a laissé très dubitatif: que penser de ce baiser avec sa cousine en guise de réponse aux obsessions amoureuses du héro?
Enfin, j'aime beaucoup cette ambiance et parfois je regrette que l'auteur ne mise pas davantage dessus; en effet, tout au long du récit, on nous rappelle une menace imminente: terrorisme, attentats possibles, fin du monde, ... une sorte de nouvelle guerre froide. C'est un élément très enrichissant surtout quand on aborde les incertitudes d'un jeune homme par rapport aux choix que la vie peut offrir.
Bref, j'ai beaucoup apprécié la lecture de ce David Boring; le livre possède de nombreux atouts tant graphiques que scénaristiques. Mais le rythme propre à l'auteur m'ont une fois de plus empêché de rentrer à fond dans l'histoire. A lire pour les fans de Daniel Clowes, les trentenaires, les vingtenaires, les paumés, les bdphiles, les amateurs de romans graphiques, et bien d'autres peut être.