Voilà le genre de projet que j'aurais adoré étant gosse.
Un comics à la française. Trop cool !! J'aurais même adoré dessiner ça.
Sauf que voilà entre temps, j'ai grandi et que j'ai compris qu'on se leurrait complètement en voulant reproduire ce qui se fait bien mieux outre atlantique.
Faire du comics, ce n'est pas que raconter des histoires de mecs en collant (déjà, c'est restreindre méchamment le genre), c'est aussi des codes narratifs, une histoire qui dure sur des années et une politique éditoriale bien particulière.
J'ai du mal à me dire qu'on peut faire du comics si on ne sort pas ses 24 pages par mois.
Si c’est pour le sortir dans des albums classiques, ça restreint énormément le projet et c'est bien pour cela que l'entreprise me semble impossible.
De nombreuses tentatives ont été menées (surtout maintenant que le comics a retrouvé ses lettres de noblesses) mais rares ont été des réussites (qualitatives et commerciales)
Pour moi, si il y a un seul intérêt à faire du comics à la française , c'est pour apporter une touche bien particulière et réussir l'osmose entre l'influence américaine et l'apport d'artistes franco-belge.
Et malheureusement, c'est loin d'être le cas de ce Bad Ass.
Alors attention, vous devez me trouver particulièrement remonté contre cette Bd et c'est pourquoi, je vais remettre les choses à leur place.
Le projet a une grande qualité : il est fait avec beaucoup de sérieux et sans doute une bonne dose de passion.
Erik Hanna est loin d'être une brêle ( j'avais beaucoup aimé son 7 détectives) , ses dialogues sont assez punchy et on ne s'ennuie pas vraiment à la lecture de son histoire (même si, c'est sans doute là qu'il y aura le plus de chose à redire)
Bruno Bessadi, mais qui pouvait en douter , assure grave. La narration est dense , rythmée et efficace, la charac design est léché et agréable à regarder ( par contre c'est marrant de voir qu'en caricaturant Superman, il nous refait un Appolo : les connaisseurs apprécieront ;).
Il est clairement dans une approche très comics et ne cherche pas vraiment à apporter quelque choses de plus au genre mais il s'amuse et ça se sent.
Reste tout le reste.
Comme je le disais plus haut, Hanna s'en sort grâce à de bons dialogues mais son histoire est beaucoup trop classique dans son ensemble.
Les références (plus ou moins grosses), l'ultra violence sauce humour noir / cynisme , le point de vue du super vilain, c'est un truc qu'on a l'habitude de lire dans les comics au moins depuis le début des années 2000.
Et même récemment, Millar nous a sorti son médiocre Nemesis et son (un peu mieux réussi) Wanted sur le même sujet .
Donc question originalité, on repassera.
Et encore ça , ça passe. Le vrai soucis vient de la narration.
Hanna raconte beaucoup de choses et alterne entre présent et passé de façon incessante tout en cassant le rythme de son histoire.
Le personnage (en plus d'être une véritable tête à claque) semble imbattable et au final, le scénariste ne prend pas le temps ( mais l'a t'il vraiment le temps) de poser les bases d'une aventure sur le long terme.
Tout va trop vite et rien n'est réellement assez développé.
Tout devient expéditif et la dernière scène qui aurait été explosive sous la plume d'un Warren Ellis devient anecdotique au possible à la sauce Hanna
Donc dommage, y a du potentiel , de l'envie mais une mauvaise démarche.
Un peu comme le ManFra, si on ne cherche qu'à copier ce qui se fait mieux dans les pays d'origine, le projet n'a aucun intérêt.
Il manque une réelle approche et les lecteurs avertis de comics ne pourront que reprocher à ce Bad Ass de faire en moins bien ce qui se fait déjà outre atlantique.
Quand aux autres lecteurs , je ne suis même pas sûr que ça leur soit destiné.