Demain est un autre jour
7.1
Demain est un autre jour

Roman graphique de Keum-Suk Gendry-Kim (2023)

Bada et San forment un couple ordinaire. Le fait qu’ils soient coréens ne les distingue finalement en rien de millions de couples identiques de par le monde, vivant une vie relativement confortable dans une grande ville moderne d’un pays riche et en paix. Alors que les années défilent, pour consolider leur famille, leur vient un désir bien naturel d’enfant, logiquement très attendu par leurs propres parents. Mais rien ne passe comme prévu, rien ne se passe bien, lorsqu’ils se révèlent tous deux peu fertiles et que la FIV ne donne pas les résultats espérés…

Car, même si nous nous voulons « modernes », émancipés des traditions, la maternité reste une question centrale dans nos sociétés, qui nous définit et définit nos rapports aux autres. La souffrance de ne pas pouvoir avoir d’enfant est une souffrance intime, très profonde, mais cette « anomalie » de l’impossibilité d’enfanter crée une brèche dans le couple comme dans ses rapports avec la famille, les amis, le monde, qui peu à peu engloutit tout. Demain est un autre jour parle de tout ça, et ne parle que de ça, de cette dépression qui grandit, de cet effondrement progressif mais inéluctable. Il semble qu’il s’agisse d’un récit autobiographique de Keum Suk Gendry-Kim, l’autrice – extrêmement réputée en Corée et que l’on découvre peu à peu en France, sa seconde patrie -, mais l’essentiel n’est pas là, car Demain est un autre jour parle de (et à) toutes femmes, de (et à) tous les couples qui passent par les mêmes épreuves.

Stylistiquement, le travail de Keum Suk Gendry-Kim est magnifique, conjuguant lisibilité maximale, précision dans l’illustration des émotions des personnages, et échappées poétiques ou symboliques rares mais saisissantes – en dépit du noir et blanc. Il y a là un art du récit et de l’illustration tout à fait exceptionnel, et on comprend rapidement la raison du succès de l’autrice (même si, ironiquement, ce récit, qui la voit débuter dans la BD, raconte aussi que ces débuts ont été difficiles !).

Les dernières pages, en couleurs, superbes, illustrent un retour à la vie, et, plus que probablement, la possibilité d’un nouveau départ sur les ruines du passé. Elles sont bouleversantes.

[Critique écrite en 2024]

https://www.benzinemag.net/2024/02/02/demain-est-un-autre-jour-de-keum-suk-gendry-kim-desir-denfant/

EricDebarnot
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le 2 févr. 2024

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Eric BBYoda

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