Désintégration
7.2
Désintégration

BD franco-belge de Matthieu Angotti et Robin Recht (2017)

Conseiller ministériel, une chienne de vie

Presque le même titre qu’un des films de Philippe Faucon, un titre très bien choisi car il évoque à la fois l’expérience personnelle de Matthieu Angotti à Matignon, qui s’est plutôt mal finie, et l’échec de sa tentative d’apporter des réponses satisfaisantes à la question de l’intégration, terme qu’il souhaiterait voir disparaitre.


Matthieu Angotti, assisté par le dessinateur Robin Recht, nous raconte ici l’expérience particulière qu’a été sa mission de dix-huit mois à Matignon, en tant que conseiller auprès du premier ministre, en l’occurrence Jean-Marc Ayrault. Sans cracher complètement sur le système, il nous en dévoile une partie du fonctionnement, et il faut bien dire que c’est assez peu ragoutant. On pourrait croire qu’un gouvernement est une équipe mais il n’en est rien : il s’agit du lieu d’affrontement de différentes personnalités, qui défendent souvent des lignes différentes quand elles ne sont pas opposées. Pour faire imposer ses idées ou mesures, il faut parvenir à convaincre de nombreux conseillers de ministres mais le processus de prise de décision est complexe, certains ministres peuvent mettre un véto (comme Manuel Valls dans le cas qui nous intéresse), il faut manœuvrer entre les cabinets, les ministres, le premier ministre, le président, bien sûr. Et on n’est jamais à l’abri d’une petite erreur ou d’un article de presse qui peuvent annihiler en peu de temps tous vos projets.


Matthieu Angotti, venu de l’associatif, n’était pas tout à fait du même monde que les autres conseillers, il n’a pas fait l’ENA et n’est donc pas tout à fait du sérail, et si on ne le lui fait pas comprendre, il le saisit bien vite. Il décrit, semble-t-il assez justement, un phénomène que beaucoup de Français imaginent bien, le fait que nos dirigeants, et ici avant tout leurs conseillers, vivent dans une bulle, dans un autre monde que celui des Français, dans une endogamie inquiétante et exaspérante.


Angotti, sur un plan plus personnel, nous montre aussi que travailler dans ces cabinets n’est pas de tout repos : on bosse beaucoup (et on délaisse un peu sa famille comme il le montre un peu dans cet album), on doit se bagarrer pour un résultat qui au final peut s’avérer plus que modeste, avant de se faire débarquer comme un malpropre. En tout cas, Matthieu Angotti était arrivé là avec beaucoup d’espoir, d’enthousiasme et d’idées, et ça se termine en désillusion, d’autant plus qu’il n’a peut-être pas été si loin de détruire sa famille. Il est très peu question d’alcool et autres addictions mais on sent qu’il faut parfois se « doper » un peu pour tenir le coup. En tout cas, on a là une description qui m’a fait penser au film de Pierre Schoeller, l’Exercice de l’Etat, même si Angotti ne fut pas ministre comme le personnage incarné par Olivier Gourmet dans le film cité ci-dessus.


L’auteur montre dans cet album le rôle néfaste de manuel Valls au sein du gouvernement Ayrault, cet homme qui semble obnubilé par l’islam et qui, comme d’autres, ne parvient pas à distinguer les questions qui relèvent de l’immigration et celles de l’intégration, funeste confusion pour Angotti.


Il s’agit ici d’une bande dessinée, ce qui a l’avantage de mettre en lumière plus facilement les traits saillants de l’expérience vécue par Matthieu Angotti. Qui aurait lu un livre de ce conseiller qui, comme beaucoup, nous est inconnu ? Alors ici, les dessins de Robin Recht n’ont rien d’extraordinaire mais ils retranscrivent bien les sentiments de l’auteur. Je pense que c’était le medium idéal pour Matthieu Angotti : les dessins n’ont rien de brillant mais la composition, sobre et variée, colle bien avec ce que veut nous décrire l’auteur.


Bref, cet album est un regard honnête et semble-t-il lucide sur la vie d’un conseiller dans le milieu des ministères, un témoignage intéressant, indispensable quoiqu’au final assez déprimant.

socrate
7
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le 18 juin 2018

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