Un titre de Keiko Takemiya qui débarque enfin ici?! Évidemment que c’est un achat et une lecture obligatoire…
Destination Terra est un shōnen manga écrit et dessiné par Keiko Takemiya. Prépublié dans le magazine Gekkan Manga Shōnen de 1977 à 1980, il est compilé en trois tomes. Keiko Takemiya est une auteure majeure et est considérée (notamment) comme une des fondatrices du « shojo moderne » avec les autres membres du Groupe de l’an 24. C’est le nom donné (a posteriori) à un groupe informel de femmes mangaka des années 1970. Le groupe a notamment contribué à renouvelé le shōjo manga en y important de nouveaux thèmes, développements, constructions des intrigues, découpages, narrations etc.
Bref ,Keiko Takemiya c’est pas n’importe qui!
Voila pour le bla-bla technique et situationnel, passons a ce premier tome:
Scotché! J’ai littéralement été scotché par la justesse et l’actualité des propos traité. Et pourtant ça date de 1977 !
Dès les premières pages et le monologue d’introduction, l’ambiance est posée, on est clairement ici face a une œuvre qui s’annonce forte et dense, fouillée et complexe juste comme il faut.
Comme souvent quand on dit premier tome, on affaire a la présentation des personnages, lieux et enjeux mais tout ça est efficacement emballé dans le récit et mêlé au parcours de Jomy. Et on y comprend tout ce qu’il faut pour être intrigué, happé dans l’histoire. Dans ce monde « parfait », automatisé, ou tout est régi par Universal Control (le gouvernement en gros), chacun a un parcours prédéfini, une fonction et dans le fond n’est qu’un rouage d’une gigantesque machine ou l’individualité et le libre arbitre n’est plus une norme. Tout ça dans le but avoué de restaurer la terre détruite par la négligence de l’homme. En gros pour le bien commun.
Mais évidemment tout n’est pas si simple, ni aussi idyllique et avec ce seul premier tome, on comprend que Destination Terra c’est bien plus qu’une simple histoire des gens qui veulent retourner sur Terre…
Comme j’ai dit plus haut, ça date de 1977 et la narration comme le déroulé des shōnen de cette époque c’est pas la même chose que les titres actuels. C’est dense et posé, ça prend son temps et c’est bavard. L’action évolue plus par les dialogues que par le dessin qui même si sublime, cadré au millimètre, dynamique et inspiré, sert principalement a illustrer et asseoir le propos. Là ou dans les shōnen (et certains titres) plus récents on peut voir toute une action se développer sans paroles ou presque, ici l’essentiel se passe par le dialogue.
Mais ça fonctionne impec’, il y a une vraie alchimie entre dessin et propos, le premier étant au service de l’autre pour une lecture dense mais néanmoins claire et fluide. Perso j’ai retrouvé dans ce premier tome de Destination Terra un petit coté Matsumoto qui n’est pas pour me déplaire, de part évidemment la trame spatiale, mais aussi par ce coté dense et profond mais pourtant éthéré et emprunt de mélancolie par certains aspects/moments.
Mais aussi cette manière de poser les enjeux sans prendre parti, de manière objective, posée limite détachée…
Mais évidemment ça ne plait pas a tout le monde et beaucoup trouverons ça plat, lent et/ou ennuyeux. Perso, moi je kiffe et donc évidemment je suis emballé par ce premier tome.
Keiko Takemiya aux travers d’un récit de SF et via des personnages fouillés, nous livre une œuvre ambitieuse, dense, aux messages -le pluriel a son importance- forts et toujours d’actualité. Elle y aborde en vrac, questions écologiques, tolérance, acceptation des différences, dérives totalitaires etc. Des trucs encore et toujours au cœur de l’actualité.
Et pour moi l’intemporalité des messages ou du propos d’une œuvre et son passage a travers les époques est généralement signe de qualité et la « marque des grands ». Et Destination Terra coche toutes les cases…
Coté édition, Naban livre un taf de qualité sur un format 13×18 et 350 pages. Jaquette satinée du plus bel effet et sur un papier épais, impression bien noire sur un chouette papier et même quelques illustration en couleurs en fin de tome. De nombreux termes en anglais parsèment les pages et comme expliqué en début de tomes c’est une volonté de Keiko Takemiya.
Petit bémol selon moi, ça manque d’une petite préface ou postface avec une présentation de Keiko Takemiya qui aurait fait du tome un perfect.
Quoiqu’il en soit, j’attends avec impatience les tomes 2 et 3…