Découverte dans le cadre du Prix CurioSophie de la 1ère édition du Festival L'affaire Tonnerresol à Tonnerre, cette grosse BD bien épaisse propose un voyage dans le quotidien d'un auteur. Un quotidien fait de doute, essentiellement, quand le succès n'est pas vraiment au rendez-vous. A la longue, cette disposition d'esprit conduit à une sorte de mort cérébrale, qui anéantit la créativité, désormais soumise aux diktats de la réussite. Situation d'autant plus cruelle que les copains de promo ont pour la plupart réussi dans un milieu très concurrentiel. Que ressent-on quand on croit être resté sur le bord du chemin ? Daniel Blancou se rebaptise Daniel Blanquette pour scruter les ravages intimes de ce semi-échec. Les auteurs de BD ont eux aussi une horloge biologique, apparemment. Il s'agit de percer dans un délai raisonnable, sinon, on risque de se voir remisé dans la catégorie des "losers". Bien sûr, cette distribution entre "winners" et ratés est une construction artificielle, mais la thèse de l'auteur, c'est qu'elle peut désintégrer la joie de créer d'un individu parti avec le même potentiel que les autres. Parmi ces fameux autres, il y a Matthieu Sapin, rebaptisé Matthieu Malin, et quelques autres enfants chéris du 9ème art qui n'ont apparemment eu aucune peine à atteindre une certaine reconnaissance, avec les mêmes codes pourtant que l'auteur resté sur la ligne de départ. A quoi tient le succès ? A des coups de bol et une grande confiance en soi ? C'est l'argument de cette longue histoire à laquelle participent également les copains de promo venus illustrer quelques pages au milieu de l'histoire développée par Blancou. Des cadeaux d'amitié qui ne servent pas forcément le propos de l'auteur, dont le graphisme simplifié, s'il n'est pas désagréable, fait parfois regretter que les guest stars n'en dessinent pas plus long. Enfin, de toute façon, ce sont des représentants d'une certaine école française de dessin dont je ne fais pas le plus grand cas. Leur style présente l'avantage de développer des histoires complexes et pas trop chronophages, mais laissent la lectrice que je suis un peu sur le bord de la route... je perds vite l'intérêt pour le graphisme et me contente de suivre l'histoire, qu'aussi bien j'aurais pu découvrir par un autre médium. Et ça me semble un peu dommage quand on voit les merveilles dont certains auteurs prodigieux nous régalent. Bon, chacun son style, c'est ainsi, mais je dois encore avouer que j'ai eu un peu de mal avec les blagues récurrentes sur un short neuf, œuvres de jeunesse certes, mais d'un genre humoristique qui me donne des sueurs froides et l'impression d'habiter une planète peuplées d'entités incompréhensibles et vaguement hostiles. Reste l'autre trame, celle du polar de fin d'études que l'auteur remet au goût du jour et qui met en scène l'enquête d'un détective à l'américaine lancé, avec sa secrétaire plus futée que lui, sur les traces d'une jeune primatologue mystérieusement disparue. Tout ça jeté ensemble dans ce gros volume donne l'impression d'une confiture de vieux garçon dont le but serait d'éviter de foutre en l'air les restes des récoltes de l'été... ça a son charme et ça nourrit sa femme, mais sans véritable plaisir gustatif parce que toutes les saveurs sont mélangées à la truelle. Je ne sais pas si ma métaphore rend bien l'idée que je veux faire passer, mais à vous de voir et de lire, c'est encore la meilleure solution pour se faire sa propre opinion !