Doomsday Clock
7.2
Doomsday Clock

Comics de Geoff Johns et Gary Frank (2017)

[Version V3 : un court paragraphe corrigé au début]



Synopsis : Qui sauvera nos Gardiens quand l'Horloge de la fin du monde sonnera à nouveau ?



Avant d'exister, les Watchmen de Alan Moore et Dave Gibbons devaient être des personnages de Charlton Comics rachetés par DC : La Question, Nightshade, le 1er Blue Beetle, ainsi que Captain Atom, etc.


Mais finalement les auteurs avaient utilisé des personnages inédits tels le justicier urbain un peu fêlé Rorschach, le riche philanthrope Ozymandias aux méthodes radicales, le Comédien armé par le gouvernement américain ainsi que le dieu vivant en quête de phase Dr. Manhattan.


Les autres personnages n'ont pas pu agir face à la crise venue après la frappe nucléaire sur New York dans le 1986 de la Terre des Watchmen. Donc exit Le Hibou II et Le Spectre Soyeux II ainsi que d'autres héros de Before Watchmen pour une raison inconnue (sauf L'Insecte).


Nos Watchmen restants (y compris un nouveau Rorschach tout aussi fêlé) et d'autres acteurs de cet univers dont La Marionnette et Le Mime (qui font un peu Joker et Harley en moins psychopathes mais tout aussi mortels) se rendent donc dans le Terre-1 classique de l'Univers DC tel qu'on l'a connait aujourd'hui (celle avec un Superman classique mais quelques petits renvois au New 52) afin d'échapper à l'apocalypse nucléaire de la Troisième Guerre Mondiale qui a détruit leur Univers et menace à présent la Terre suivante.


Alors qu'ils ont perdu leur Terre suite à une crise de confiance entre les civils et leurs héros puis entre les grandes puissances, Ozymandias et compagnie arriveront-ils à retrouver le Dr. Manhattan pour empêcher l'Horloge de l'Apocalypse d'afficher à nouveau minuit dans cet Univers lui aussi rongé par une crise similaire ?


Sur ce synopsis, commençons par peser les mauvais puis les bons côtés de ce Doomsday Clock dans lesquels les persos DC très icôniques des Watchmen au point d'en paraître presque indépendants, rentrent dans "l'Univers classique" et l'influencent d'une certaine manière.



Des tares dans le trop étrange plan du Dr. Manhattan



On commence avec quelques moins et interrogations sans explications dans cette superbe saga :



  • Pourquoi avoir oublié le Hibou II et le Spectre Soyeux II ? Même si
    ces personnages sont censés avoir abandonné la vie de super-héros à
    la fin de Watchmen
    , le fait que le début se passe dans les années
    1990 dans leur univers laisserait plutôt penser qu'ils auraient pû
    avoir un rôle plus actif dans Doomsday Clock.

  • Si le couple La Marionnette & Le Mime est très intéressant, il manque un peu
    d'originalité (pour les raisons dits dans le synopsis) et semble même
    parfois tantôt beaucoup trop puissant et tantôt presque inutiles à
    l'intrigue sauf pour une sorte de rebondissement de dernière minute
    pour le Dr. Manhattan. Heureusement que c'est écrit par Geoff Johns
    mais on a quand même du mal à comprendre des fois.


En gros, Manhanttan a vu que le fils de La Marionnette et du Mime est destiné à être son successeur, mais ça semble être fait à coup de prophétie auto-réalisatrice voire même créé par caprice par Manhattan pour justifier son rattachement à l'humanité et au Multivers DC. Sauf qu'il vole limite l'enfant de Marionnette et Mime pour en faire son petit protégé puis le confie à une sorte de famille d'accueil. Dommage car il y avait un moment où le Multivers semblait suffisamment sauvé comme ça, là on dirait qu'il a détruit la seule raison d'être de La Marionnette & Mime et le futur rôle de leur enfant reste un mystère pour nous ... d'autant que je ne pense pas que DC ait suivi les intentions de Johns qui voulait corriger les tares du New 52 pour favoriser le Rebirth voire même un retour au "classique".



  • On a même un autre personnage de Watchmen censé être mort qui revient d'un claquement de doigts mais qui semble plus apporter du
    bordel que de vrais apports scénaristiques à l'ensemble ;


Je parle bien sûr du Comédien. Car même si Doomsday Clock joue sur l'ironie (il est ressuscité par Manhattan et manque de jeter Ozymandias par la fenêtre de la même façon que ce dernier l'avait fait contre lui en 1985, et c'est même lui qui menace de provoquer la Troisième Guerre Mondiale par ses actions au lieu d'Ozymandias + le fait qu'il est en totale roue libre refusant d'obéir aux ordres contrairement à Before Watchmen et Watchmen), le Comédien semble presque là juste pour foutre la merde et ajouter un peu de brutalité sanguinaire sans être vraiment utile à l'intrigue.



  • D'ailleurs, en plus de la télépathe Saturn Girl qu'on sait pas
    comment elle a atterri dans une cellule (j'ai loupé un épisode ou quoi
    ?), il y a un autre personnage qui semble au final plus là pour
    meubler que pour servir réellement l'intrigue :


Johns et Gary Frank (le dessinateur) introduisent un acteur qui incarnait un détective (Carver Colman) dans les années 40-50 et une sous-intrigue et de résoudre le mystère et la raison de son meurtre vers 1953. Sauf qu'au final on s'aperçoit qu'il est un peu le sujet d'expérience de Manhattan et que cet acteur a été son ami quand il voyageait dans le temps et l'espace. Au final, on apprend que cet acteur a été tué juste parce qu'il était homosexuel. Manhattan remonte dans le temps et l'aide à éviter la mort et à faire son coming Carver. Si c'est toujours bien de défendre les LGBT rien que pour des raisons humanistes, on regrette que Carver n'ait pas un rôle plus prépondérant à l'intrigue autre que "guinea pig" du Dr. Manhattan. Mais heureusement on peut aussi y voir une référence au Corsaire sanglant des Watchmen



  • Au final, les plus grandes interrogations sont soulevées de par les
    agissements du Dr. Manhattan, qui servent dans ce récit à justifier
    les derniers égarements de DC lors de son New 52 voire aussi les
    zones d'ombres du Rebirth par de simples caprices et expériences quasi
    incompréhensibles du super dieu bleu.


Exemples :


Pourquoi y a plus de Justice Society of America ? → Parce que le Dr. Manhattan a fait disparaître la Lanterne Verte du 1er Green Lantern !


Pourquoi Johnathan et Martha Kent, les parents de Superman, qui étaient vivants pendant ses 30-40 ans avant le New 52, sont morts durant sa jeunesse dans le new 52 ? → Manhattan a provoqué leur fatal accident de voiture.


D'ou viennent toutes les autres étranges versions et réécritures de personnages DC et erreurs de continuité ? → You guess it : Manhattan !



  • On sait que Manhattan a le pouvoir d'un dieu et qu'il peut aller
    partout dans le temps et l'espace mais certaines explications sont un
    peu du mode "Lol, je C pa !" - surtout quand on voit cette réplique
    du dieu bleu face à la bizarrerie qu'a été DC depuis le New 52 :



Je ne comprends pas cet univers.



T'inquiètes pas : nous non plus, parfois. On sait que Manhattan est censé être un dieu déphasé, paumé face à une humanité qu'il ne comprend pas et vivant à la fois dans le passé, le présent et le futur mais certaines de ses décisions nous laisse encore une fois dubitatifs.



  • Mais le vrai problème scénaristique de Doomsday Clock, celui qui
    fait des autres problèmes du pinaillage à côté, celui qui m'a
    vraiment fait tilter parce qu'il provoque lui-même une petite tare
    dans la continuité DC qu'il est censé corriger :


Pourquoi Batman fait enfermer Rorschach II à l'asile d'Arkham au lieu de lui demander qui a pénétré dans sa Batcave lors de l'intro Le Badge ? Car même si le Néga-Flash (Pr. Zoom) semble bien capable de ça, tout laisse penser à croire que c'est le Comédien ou Dr. Manhattan.


Comme Batman ne connaît aucun de ces deux-là, pourquoi n'a-t-il tout simplement pas demander à Rorschach II à qui est ce badge ? Rorschach II lui aurait peut-être dit que c'est celui du Comédien et les deux compères auraient pu se lancer sur sa piste et se retrouver dans les autres intrigues.


Mais au lieu de ça, nope ! Batman décide que Rorschach II est au moins aussi fou dangereux que les criminels et cinglés d'Arkham, le fait enfermer et ne sert pour ainsi dire plus à rien comme une grosse faignasse. Meilleur détective du monde, soi-disant !! Il va baisser dans le palmarès du JDG.



  • On peut comprendre toutefois que Johns et Gary Frank voulaient éviter
    d'utiliser trop de grandes figures DC telles que Batman ou Flash,

    pour se concentrer sur d'autres persos délaissés. Mais ces persos
    brillent par leur absence
    alors qu'ils ont toujours eu un rôle
    prépondérant lors de ces crises, c'est un peu étrange du coup.


Toutefois, les tares de Doomsday Clock sont contrebalancés par une bonne écriture de Johns, le dessin de Gary Frank dans un ton approprié à la violence des Watchmen et de DC, et les deux auteurs rendent un grand hommage à la firme de comics en l'appelant à se réconcilier avec elle-même.



L'espoir d'un Multivers DC se renouant avec lui-même



Sachant que Watchmen est un ouvrage DC, et que les initiales de Doomsday Clock sont DC, quoi de plus logique que les Gardiens, l'une des plus grandes fiertés de la firme, viennent à la rescousse d'un Multivers en dérive ? Il est donc temps d'aborder les qualités de ce superbe récit :



  • Geoff Johns et Gary Frank veulent être dans la continuité de Dave
    Gibbons et Alan Moore, et ça se ressent :
    ultra-violence, politique
    aliénant les super-héros, menace d'apocalypse planétaire, climat de
    guerre civile entre héros.


D'ailleurs, le ton fait plus Watchmen que DC classique et au début se passant à l'approche du désastre nucléaire sur la Terre des Watchmen, on a une description personnelle mais assez pertinente des clivages extrêmes-gauches/extrêmes-droite qui ruinent la bonne stabilité des sociétés modernes :


" La Gauche caviar crie pour s'entendre dans le vacarme assourdissant de sa propre chambre d'écho, reprochant à l'autre camp ce qu'il détient, et non pas ce qu'il est. Leur tolérance est une voie à sens unique. "


" Pendant ce temps, les Totalitaristes campent sur leurs positions, et se cachent les yeux en prêchant le retour à une République du sang. Ils ne rendent pas compte que pour ceux qui ne sont pas comme eux, le bon vieux temps n'avait rien de bon. "


" [...] Bientôt, seuls les insectes n'auront pas passé l'arme à gauche. Les cafards et les vers se disputeront les restes des modérés. Puis, ils s'entre-dévoreront et s'étoufferont."


D'ailleurs, une fois les Watchmen dans l'univers DC principal, ils tombent sur d'autres civils se méfiant de leurs gardiens et se posant des questions légitimes quant à leurs protecteurs : comment ça se fait que la plupart des "métahumains" (non donné à l'ensemble des super-héros, vilains, mutants et magiciens dans l'univers DC) se situent aux États-Unis ? Il est donc sous-entendu que c'est le gouvernement qui les a créé de gré ou de force, enclenchant donc une nouvelle super-course à l'armement entre les puissances mondiales.


C'est d'ailleurs cette course à l'armement qui incitent les héros à se réfugier auprès de Black Adam, antagoniste de Shazam faisant office de leader d'un mouvement non-aligné de super-héros et vilains contre les soifs de guerre des USA, de la Chine et de la Russie de Poutine.


C'est d'ailleurs à cause de ce dernier si même Superman semble impuissant à empêcher la guerre mondiale, tout ça parce qu'il voulait stopper des balles qui allaient blesser des passants pétrifiés par erreur par Firestorm et son équivalent russe Mikhail Arkadin (connu sous le nom de Pozhar). C'est de ta faute, Poutine !


Pour en revenir à Pozhar, c'est génial de voir que Johns et Frank ramène ou cite des personnages oubliés depuis le maxi-crossover Crisis on Infinite Earths (celui de 1986 dans les comics, pas celui de Arrow) pour la plupart - tels que Johnny Thunder (membre de la JSA presque centenaire dans sa tenue zazou et qui avait pour génie électrique Thunderbolt), Killer Frost, Géo-Force ou Typhon (bleu et roux, à ne pas confondre avec l'un des Starman) et bien sûr Kid Flash (Wally West classique) même si ce n'est que pour de brèves apparitions.


On adorera donc l'intrigue dans lequel le vieux Johnny Thunder recherche la Lanterne Verte de son ami Alan Scott comme s'il recherchait son génie Thunderbolt à l'aide de sa formule magique "J-Kwapa" ! D'autant que cette lanterne est clé pour retrouver Manhattan.


Manhattan s'était réfugié dans la Lanterne Verte et faisait des expériences avec les Multivers tout entiers, ainsi qu'avec les réalités de Alan Scott, Superman et même Carver Colman afin de renouer avec l'humanité et les super-héros à sa manière.


C'est d'ailleurs en voyant la détermination de Superman et des autres héros à sauver la vie malgré tout que Manhattan comprend la chose à faire après s'être posé cette question intérieurement : les Gardiens étant nécessaire pour sauver le monde, qui sauvera nos Gardiens quand l'Horloge de l'apocalypse sonnera à nouveau ?


C'est à force de détermination que nos derniers Gardiens, La Marionnette et le Mime, Johnny Thunder, la JLA et enfin Superman arrivent à convaincre Manhattan de sauver les Multivers et de tout corriger :


Il reset les multivers et ramène sur la Terre principale la Lanterne Verte d'Alan Scott, ainsi que la JSA d'avant le New 52 et la Légion des Super-Héros dans sa forme actuelle et héritière de Superman, bref ... il rétablit la continuité d'avant pour la remettre à neuve et en cohérence avec les autres réalités : la Terre-1 et Terre-2 sont ramenés à leurs versions antérieures telles qu'on les appréciait.


Et c'est là qu'on peut féliciter ce Doomsday Clock : il ramène des personnages appréciés que DC avait jeté à la poubelle, il essaye d'expliquer certaines zones d'ombre, il marie très bien l'atmosphère de Watchmen avec celle des autres comics et enfin il essaye de corriger certaines erreurs du New 52 pour mieux appliquer les concepts du Rebirth.


J'ai aussi aimé leur version du Joker, très drôle et capable de rivaliser avec le Comédien, lui montrant bien qu'il n'y a pas de place pour deux clowns avec un flingue dans cet univers !


Même à imaginer que ce qu'il se passe dans cette série ne soit propre qu'à cette série, c'est un bel effort de la part des auteurs qui semblent plus à l'écoute des fans qui aimaient bien les super-héros DC d'avant 2011, ceux qui faisait vraiment dire : "Là-haut, dans le ciel !"


C'est d'ailleurs sur cet émerveillement que Manhattan introduit quelque part dans l'univers un enfant inspiré de celui qu'il considère comme un grand héros :



Jon m'a appelé Clark.


Darevenin
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le 16 déc. 2020

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