Du Haut de mon Monde par Ninesisters
Pour ses débuts en tant qu’éditeur de manga, Black Box a décidé de faire confiance au catalogue de J-Comi – plate-forme proposant des manga dont les droits ont été récupérés par leurs auteurs – et à la mangaka Masako Yoshi. Pour ce qui est du catalogue en question, cela leur permet de faire leurs preuves sans devoir passer par un éditeur japonais, ceux-ci n’ayant pas la réputation d’accueillir les débutants à bras ouverts ; nous pouvons aussi penser qu’en rémunérant directement les auteurs (et probablement un intermédiaire chez J-Comi), cela leur revient moins cher et leur permet de proposer des titres plus confidentiels. Quant à la mangaka, cela peut paraitre étonnant de publier trois de ses séries coup sur coup alors qu’elle était encore inconnue en France avant ces annonces ; mais après un Comment ne pas t’aimer encourageant, Du Haut de mon Monde s’impose comme une réussite inattendue.
Sorti au Japon en 1985, nous retrouvons dans Du Haut de mon Monde ce charme propre aux années 80, déjà présent dans Comment ne pas t’aimer. D’ailleurs, il y a un détail qui ne trompe pas : la présence des bains publiques. Ce lieu, souvent fréquenté dans les manga de l’époque, nous apparait aujourd’hui comme le symbole d’un Japon révolu, étant non seulement passé de mode, mais aussi de plus en plus rarement évoqué dans les manga. Plus encore que le précédent titre de l’auteur, nous sentons vraiment que celui-ci s’ancre dans le quotidien. Mais ce qui compte le plus, c’est bien cette impression de légèreté chez les personnages, ces mimiques datées mais toujours efficaces, et ces amourettes emplies d’humour. Il s’agit d’un style peut-être difficile à décrire, mais qui caractérise les comédies romantiques de cette période ; et jusqu’à présent, le public français n’avait pas vraiment eu l’occasion de le découvrir autrement que par le biais de quelques adaptations pour la télévision. Black Box remplit donc ce vide, et cela suffit à rendre leurs premières publications dignes d’intérêt.
Mais attention ! Ce n’est pas parce qu’un manga nous vient d’une époque rarement représentée en France que cela en fait nécessairement une œuvre de qualité. En l’occurrence, ce style constitue un point fort, d’une part car il parait original au regard de la production contemporaine, et d’autre part car il permet d’obtenir des histoires agréables à parcourir et en aucun cas prises de tête.
Mais l’argument principal de ce manga, c’est bien son héroïne. D’un abord froid et hautain, presque désagréable – j’ai dans un premier temps cru qu’il me serait impossible de m’y attacher – nous découvrons rapidement une jeune fille bien plus humaine qu’elle ne veut bien le laisser croire ; elle perd ses moyens, devient nerveuse, maladroite, et finalement, elle se révèle comme une jeune fille attachante, attendrissante, et vraiment drôle. Pour autant, elle ne se laisse pas marcher sur les pieds, et elle est très loin d’être une bécasse. C’est donc un plaisir de suivre ses petites aventures du quotidien, ses succès, ses échecs, et surtout sa façon de se rapprocher d’Akira.
Akira qui, lui-aussi, change radicalement du beau gosse parfait en tout point qui pullule dans de trop nombreuses comédies romantiques. Non, tous les personnages ont leurs défauts, et ceux-ci seront à l’origine de plusieurs surprises et retournements de situations inattendus.
Grâce à son héroïne énergique et intelligente, sa bonne humeur, et son charme propre aux comédies romantiques de l’époque, Du Haut de mon Monde remplit un double rôle, en plus d’être simplement un manga réussi et plaisant : il permet de découvrir à la fois l’époque en question, mais aussi une mangaka qui mérite d’être connue et reconnue en France. A la manière de Wataru Yoshizumi (énorme compliment de ma part), elle a l’art et la manière de créer des personnages attachants, et de rendre vivantes et passionnantes des histoires en apparence banales (mais en apparence seulement). Sachant qu’il ne dure qu’un volume et mise plus volontiers sur l’humour, il est plus accessible que Comment ne pas t’aimer. Seules ombres au tableau : une fin précipitée, et une petite faute de traduction qui empêche de saisir cette même fin correctement ; ou du moins, le traducteur n’a pas su retranscrire une subtilité de la langue japonaise, d’où une réaction déconcertante de la part de l’héroïne après une discussion pourtant quelconque en VF. Mais ce sont des détails qui ne pèsent pas lourd face au plaisir que j’ai pu prendre à la lecture du très sympathique Du Haut de mon Monde !
A noter que l’édition est de meilleure qualité que pour le premier titre de l’éditeur ; cette fois, l’agrandissement effectué pour obtenir le format voulu n’a pas de conséquences fâcheuses sur la netteté des contours. Par contre, il est évident qu’une fois de plus, ledit agrandissement ne sert qu’à justifier un prix supérieur à la moyenne : près de 11€ pour 180 pages.