Bienvenue dans l'univers de Chester Brown
Je suis un fan de Chester Brown. J'ai cru qu'il me serait impossible de posséder un jour "Ed The Happy Clown". Ou alors qu'il faudrait attendre que je le trouve sur ebay, bien cher. Finalement mon libraire l'a commandé. C'était pas moins cher, mais au moins pas de risque que le livre se perde en route.
Ed the happy clown est la première oeuvre publiée de Brown. Ce bouquin compile les histoires publiées dans ses fanzine "yummy fur" 1 à 12. C'est une histoire totalement improvisée à l'instar des surréalistes. Parfois l'auteur avait l'idée d'une direction mais ne savait pas comment y aller. Assez miraculeusement ça ne se ressent pas trop, tout est fluide, surtout que l'auteur se plaît à revenir en arrière avec le point de vue d'un autre personnage. Et assez curieusement, c'est un des éléments décidés longtemps à l'avance qui m'a déplu : la vampire. Je trouve que ce passage déforce le récit, change le ton, et est peu intéresant par rapport à l'univers développé. Le pire étant que cette transformation est un élément clef quant à la résolution de l'album. Un élément qui tarde à venir, donc, et qui sert à finir l'histoire. Dommage. A part ça, narrativement, il y a de très bonnes idées qui sont le plus souvent bien exploitées. Les situations sont drôles et bien exploitées. L'auteur se lâche mais ne fait pas n'importe quoi.
Graphiquement, l'auteur se plaint de la piètre qualité de ses dessins sur la fin, personnellement j'y adhère. Ses découpages sont souvent juste et son trait minimaliste me parle. Tout est compréhensible et puis l'auteur arrive à conserver le rythme de l'histoire malgré la parution périodique et toutes les contraintes qui y sont mêlées (surtout qu'il s'agit d'un récit improvisé). Il y avait la peur de ne pas reconnaître les personnages qui sont très nombreux, heureusement l'auteur les distingue tous aisément. Ma seule confusion aura été par rapport aux deux mondes parallèles : je pensais au départ qu'il ne s'agissait que d'un seul et même monde. Mais ce n'est pas bien grave, peut être était ce voulu, peut être ai je sauté une donnée importante. Dernier élément, les changements de mise en page au fil des ans ne choquent absolument pas. Il faut dire qu'une des particularités de l'auteur, est de travailler case par case et de tout assembler à la dernière minute et c'est donc toujours intéressant de voir comment il va gérer l'espace de sa page.
En fin d'album on retrouve le making of, ou plutôt les notes sur la conception des pages. C'est un bonus habituel dans son oeuvre et c'est riche en anecdotes sympas (et moins cher que de devoir acheter des bd-bonus comme Blutch l'a fait). Il est regrettable que ces notes ci soient plus personnelles que techniques, ça déborde souvent sur sa vie privée. En même temps, ce débordement fait continuité avec certains albums autobiographiques, ou encore par rapport à ce que Joe Matt a aussi révélé sur ce personnage réel. Il est amusant de constater que l'oeuvre de Chester se propage au travers de l'oeuvre de ses comparses tout comme celle de Joe (plus récemment j'ai découvert un lien étroit avec Chris Ware qui les rencontre ; hélas l'auteur est très discret par rapport à cette soirée). Je n'ai pas encore lu Seth, mais ça ne m'étonnerait pas s'il impliquait aussi ses deux collègues.
Bref, Ed The Happy Clown n'est pas le meilleur album de Chester Brown (et heureusement vu que c'est son premier), mais ça reste incontournable et de très bonne qualité. En plus on peut déjà y retrouver des thématiques chères à l'auteur (la masturbation, la culpabilité liée à la religion, la froideur à l'égard d'autrui, etc.). A lire!
PS: dernière déception, il aurait été sympa de mettre en plus, dans les bonus, le début de la seconde histoire de Ed the happy clown qui a été abandonnée au yummy for #18 (soit une petite centaine de pages). Même dans un état incomplet et même si cela était inintéressant selon les dire de l'auteur, j'aurais voulu lire ça.