C'est un de mes mangas préférés (et pourtant, j'en ai limé un paquet, fut une période), et pourtant il est très clivant (on adore ou on déteste), sûrement du fait qu'il ne suit pas les conventions du manga.
Il a donc de quoi perturber les habitués de ce média très codifié, qui, au bout de quelques chapitres de lecture, complètement déboussolés et bottés en dehors de leur zone de confort, auraient (il paraîtrait) très vite un crise d'anxiété, serait pris de convulsions, tremblements et sueurs froides, murmurant en boucle la même seule question : "Mais... où va l'histoire ?"
L'histoire n'est qu'un prétexte pour l'auteur a abordé les thèmes qui lui tiennent à coeur, en fait. Le mangaka signe là une de ses premières œuvres, donc forcément très personnelle, dont le but premier n'était pas le succès commercial mais d'y exposer ses tripes.
Le mangaka donne donc un cadre, un virus pandémique qui transforme progressivement les infectés en poupée de porcelaine tandis que leurs organes se liquéfient (je vous laisse imaginer par ou ça sort, et combien ça être désagréable).
Mais ce n'est qu'un cadre, dans lequel l'auteur va y raconter des tranches de vies de plusieurs personnages à travers différentes périodes temporelles. Mais toutes les trames narratives finissent par se mêler entre elles, et les intrigues et enjeux se complexifient au fil des chapitres.
Ducoup, entre chaque ellipse, le monde évolue ; le virus, dont la forme finale sera appelé le "Cloïd" (la similarité phonétique a fait qu'au début j'appelais souvent le Covid comme ça, au début...) mais aussi la société, et l'ambiance post-apo passe au cyberpunk, puis presque au quasi-mysticisme. C'est un des manga les moins manichéen que je connaisse, un des moins japano-centré, et un des plus réaliste aussi.
L'auteur y aborde de nombreux sujets très sensibles, de manière direct : la prostitution, la pédophilie, le sexe, le viol, l'homosexualité, les conflits raciaux, la pègre, la drogue, la corruption, la politique, la dictature, le transhumanisme, les guerres, les nettoyages ethniques, les persécutions religieuses, le terrorisme... Et dans un tout ça dans un monde futuriste très très proche de notre réalité actuelle.
L'auteur arrive pourtant a éviter le piège de basculer dans le trash, mais pousse ses personnages (et lecteurs) à la réflexion philosophique, sociale et théologique (les références bibliques sont omniprésentes).
Et là dedans, l'auteur arrive a trouver une assez bonne alchimie entre développement des personnages, drames, combats tactiques, gore, réflexions philosophiques et théologiques, et même parfois des explications scientifiques assez poussées !
Autant dire que ses 18 tankôbons sont très denses et ne le lisent pas au même rythme qu'un stupide shonen, d'autant plus que l'auteur ne prends pas ses lecteurs par la main et n'explique pas forcément tout ce qu'il s'est passé entre les ellipses temporelles.
L'auteur assure aussi sur les dessins, avec un style est plutôt réaliste, géométrique et épuré.
Les scènes d'actions sont très dynamiques et lisibles, et on a droit a des vignettes avec des décors vraiment détaillés. Dommage que souvent les phases de dialogues se résument a des petites cases avec la tête d'un personnage et un fond blanc.
En résumé, c'est pour moi un chef d’œuvre peu accessible et incompris, un peu anarchique, maladroit et décousu parfois, qui s'adresse a un public complètement mature, et qui n'a donc pas eu le succès mérité au moment de sa publication.
Mais il suffit de voir a quel prix s'arrachent maintenant en occaz les tankôbons en langues américaines, françaises ou espagnoles pour comprendre que son principal problème, c'était d'être trop en avance sur son temps.