Epiphania est-il vraiment une épiphanie, ce moment de compréhension brusque et soudain, cette révélation sur le sens du monde ? Peut-être, si l'on en croit les protagonistes, qui sont tous saisis, un à un, d'une transformation de leur compréhension de ce qu'ils sont et font. Epiphania est une BD étrange, qui fait advenir une forme de surnaturel dans un monde qui nous ressemble, qui entretient le malaise jusque dans son graphisme et ses couleurs, entre pastel et fluo, entre exagération du trait et douceur de leurs surlignements. Debeurme nous projette dans un monde parallèle, une dystopie sous acides, messianique et hallucinée, où le monde vacille à l'arrivée d'enfants chimériques. Ce décalage très léger avec notre réalité vise bien sûr à interroger d'abord la nôtre, la manière dont nous produisons nos propres monstres, la manière dont la vie nous transforme en ce que nous pensions ne pas être. Avec ce récit fantastique post-anthropocène, Debeurme poursuit la mise à nu de son univers bien particulier, faisant monter le malaise à chaque page, au rythme de ses cases. Si son récit est construit et assez accessible, il est dommage que le dialogue s'appauvrisse peu à peu. Que le propos se coule dans un hymne à la tolérance finalement assez convenu. On s'attendait à être un peu plus perturbé par les malaises qu'il entremêle.