Et si l'amour c'était manger de la macédoine?

L’histoire est classique. Sandrine a toutes les cartes en main pour être heureuse, mais elle s’ennuie à longueur de journée dans sa villa luxueuse. Henri, son mari, n’y voit que du feu. Pour lui, il n’y a rien de plus beau au monde que le concept de couple et de vie à deux. Dans son travail aussi, il affiche un enthousiasme sans faille. Henri est le patron d’une start-up bien décidée à bouffer le monde. Il reste juste à trouver comment et dans quel domaine, mais ce n’est qu’une question secondaire. Bref, il n’y a aucun nuage dans la vie de Sandrine et Henri. Jusqu’au moment où tout bascule, le jour où Sandrine décide de commander des macédoines auprès de la société Speed Macédoine. Lorsque le livreur à domicile sonne à sa porte, la jeune femme tombe instantanément sous le charme de Michel, qui s’avère également être un chanteur de rock à ses heures perdues. Après ça, Sandrine n’a plus qu’une obsession en tête: revoir ce beau garçon ténébreux. Désormais, elle va commander des macédoines tous les jours. Henri, lui, ne se doute toujours de rien. A chaque fois qu’il voit apparaître Michel, il lui répète "Entrez mon garçon", en affichant toujours la même sympathie. Finalement, Sandrine ose enfin faire le premier pas. Une idylle merveilleuse se noue alors entre Michel et elle, tandis que son mari reste aveugle à ce qui se trame autour de lui. Mais une photo compromettante envoyée à Henri par les membres du groupe de rock de Michel va enfin lui ouvrir les yeux. D’où ces questions existentielles posées sur le quatrième de couverture du livre: la vie est-elle toujours du côté de l’amour? Les sentiments purs et absolus ne sont-ils pas qu’une feuille morte emportée par le vent? Un arc-en-ciel ne finit-il pas toujours par disparaître derrière les nuages?


En 2015, Fabcaro rencontrait un énorme succès public et critique avec "Zaï Zaï Zaï Zaï", un road movie surréaliste sur un auteur de BD qui vit une descente aux enfers après avoir oublié sa carte de fidélité au moment d’aller faire ses courses. Le succès inattendu de cet album, vainqueur de nombreuses récompenses parmi lesquelles le Prix des Libraires de bande dessinée et le Prix de l’association des critiques de BD en 2016, avait entraîné une certaine panne d’inspiration chez l’auteur français, comme il l’a raconté lui-même dans l’album "Pause". Avec "Et si l’amour c’était aimer?", Fabcaro démontre qu’il a retrouvé le feu sacré. Hommage appuyé aux romans-photos des années 60 et 70, cette BD au ton délicieusement décalé utilise tous les codes du roman à l’eau de rose: les poses figées, les sentiments dégoulinants, les vérités grosses comme des maisons. Au niveau graphique aussi, Fabcaro reproduit le style des romans-photos, avec des images en noir et blanc et des personnages qui semblent tout droit sortis d’un épisode de "Derrick". Mais bien sûr, le fond est très différent de la forme. Car si l’auteur s’approprie parfaitement le genre, c’est pour mieux le détourner. Les dialogues et les récitatifs sont totalement absurdes, à l’image du titre parfaitement ridicule de cette BD. Fabcaro intègre aussi des petits intermèdes dans son récit, avec des personnages extérieurs qui commentent l’évolution de la relation de Sandrine et Henri. On est en permanence dans le deuxième ou le troisième degré, comme chez les Monty Python ou dans les films de la famille de "Y a-t-il un pilote dans l’avion?". N’hésitant pas à pousser très loin le curseur de l’absurde, Fabcaro détourne tous les poncifs du roman-photo pour signer un récit hilarant… si on aime ce genre d’humour évidemment! Un album à déguster avec une bonne macédoine.


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matvano
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le 19 nov. 2017

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