Un décalage dans les dialogues… Et dans le dessin !

On avait senti Fabcaro émoussé par le succès de « Zaï zaï zaï zaï ». Il racontait ses difficultés en termes de création d’en « Pause », un livre en roue libre où l’on retrouvait l’humour de l’auteur sans que cela soit transcendant. Avec « Et si l’amour, c’était d’aimer », le dessinateur reprend son entreprise de bande dessinée peu attirante au premier abord, comme une façon de se tirer dans le pied… Ce bouquin n’est rien d’autre qu’un roman photo… Dessiné !


Fabcaro nous avait déjà fait le coup du faux carnet de voyage au Pérou, voilà donc le faux roman photo. Déjà que ce médium est considéré comme ringard, quelle mouche a donc piqué l’auteur ? À la lecture, on comprend de suite combien ce choix est pertinent. Le dessinateur utilisant l’absurde comme base de son humour (et de ses histoires ?), le dessin réaliste rend les scènes d’autant plus ridicules.


« Et si l’amour c’était d’aimer » reprend les codes des scénarios du genre. Une femme tombe amoureuse du livreur de macédoine (sic) et va quitter son mari pour le beau chanteur (oui, il est aussi chanteur). Le fil rouge est ainsi classique, mais les dialogues sont toujours en décalage. Le premier exemple de dérapage est assez net :
- Vous avez la carte de fidélité ?
- La fidélité, est-ce si important au fond ?
- Ben quand même, au bout de 10 macédoines vous en avez une gratuite…


L’amour de Fabcaro fonctionne à plein tubes et on rigole souvent devant les réparties complètement absurdes. Les lecteurs assidus retrouveront les thèmes chers à l’auteur (la carte de fidélité, le Super U…) comme autant de clins d’œil (ou obsessions ?). Ça faisait longtemps que je n’avais pas ri de bon cœur devant une bande dessinée. Une belle réussite !


Si le dessin réaliste de Fabcaro n’est pas particulièrement beau, il renforce le décalage des dialogues. Plus qu’un hommage aux romans photos, il ajoute un cran supplémentaire dans l’absurde. Ce choix graphique, qui m’a quand même bien freiné à l’achat, est finalement judicieux.


Voilà un livre qui aura une place importante dans la bibliographie de Fabcaro. Il complète parfaitement l’ensemble. Maniant toujours un humour absurde, il l’utilise différemment ici. Et pourtant, ce détournement n’est pas le même que pour son « Carnet du Pérou ». Un album très cohérent dans la lignée des précédents. Après un petit coup de mou compréhensible, Fabcaro a repris sa marche en avant et on ne peut que le féliciter !

belzaran
8
Écrit par

Créée

le 30 mai 2018

Critique lue 679 fois

5 j'aime

belzaran

Écrit par

Critique lue 679 fois

5

D'autres avis sur Et si l'amour c'était aimer ?

Et si l'amour c'était aimer ?
Fatpooper
9

Détournement dessiné

Je me suis bien marré. Le récit est un beau détournement des romans-photos. Fabcaro amène ce qui fait le succès de ce genre de détournement : de l'humour bas du pantalon assumé et beaucoup...

le 31 déc. 2017

12 j'aime

Et si l'amour c'était aimer ?
matvano
8

Et si l'amour c'était manger de la macédoine?

L’histoire est classique. Sandrine a toutes les cartes en main pour être heureuse, mais elle s’ennuie à longueur de journée dans sa villa luxueuse. Henri, son mari, n’y voit que du feu. Pour lui, il...

le 19 nov. 2017

10 j'aime

Et si l'amour c'était aimer ?
Vernon79
9

Suis-moi je te fuis

Acte I: À la ferme C'est un drôle d'oiseau qui me fait tourner chèvre. Qu'il est chouette à l'occasion, quand il en est chiche ! Qu'il est aussi re-loup de raisonnements mièvres: "la pie niche haut...

le 19 juin 2018

7 j'aime

4

Du même critique

Le Chemisier
belzaran
4

Quelle vacuité !

Avec le scandale de « Petit Paul » et ses accusations d’être un ouvrage pédopornographique, on aurait presque oublié qu’au même moment ou presque Bastien Vivès publiait « Le chemisier ». Ce roman...

le 22 févr. 2019

38 j'aime

L'Âge d'or, tome 2
belzaran
7

Une impression d'inachevé

Le premier tome de « L’âge d’or » avait impressionné par son dessin, notamment par ses grandes illustrations façon tapisseries médiévales. Racontant un récit initiatique somme toute classique, ce...

le 24 févr. 2021

23 j'aime

1