Sublime album donc, qui retrace le parcours d'un photographe tout droit sorti de l'imaginaire de Thierry Murat. Joseph Wallace est un photographe américain installé, portraitiste de la haute société, englué dans un quotidien conformiste quoique confortable. Et puis, de ces décisions qui bouleversent une vie : il prend part à une expédition scientifique dans le Far West, pour recenser les paysages, les habitants, les cultures. Très vite il est confronté à la brutalité des blancs qui déciment les bisons (et donc les Indiens d'Amérique, les privant ainsi de leur source de nourriture et source de spiritualité). Son carnet intime nous livre son déplacement intérieur, de photographe voulant attester une réalité objective il devient témoin puis regard subjectif de ces peuples qui l'accueillent en invité. La langue la culture les rites l'enveloppent avec une brutale évidence : la vie se trouve là, dans ce miracle qu'est l'existence, simplement.
Dès lors il voudra non plus photographie tels quels les indiens, mais il cherchera à les sublimer, à raconter son regard à un instant précis de sensibilité. Une leçon de photographie d'humaniste, de désillusion aussi. Mais qui touche profondément, qui donne une rage rare à la lecture de BD, une envie de se mouvoir pour enchanter ce monde, le vivre plus que le comprendre...
" Le temps n'existe pas" / "J'aurais aimé être un poète pour ne pas regretter tout ça... Mais je ne suis qu'un témoin de plus, un voyeur inutile"