Enfin ! Nous pouvons dire que nous l’aurons attendu celui-là ! Par « celui-là », je ne parle pas de Eurêka en particulier, mais bien d’un nouveau manga de Hitoshi Iwaaki, l’auteur du mémorable Parasite. C’est d’ailleurs étonnant qu’il ait fallu près de 10 ans et un petit éditeur pour lire une autre de ses œuvres, alors que d’habitude, le marché français aime bien profiter du succès d’un titre pour exploiter son mangaka. Il faut donc croire que Parasite, malgré des critiques élogieuses et un statut enviable auprès des lecteurs, n’a pas si bien fonctionné que cela.
Mais bon, tout ça, c’est du passé ! Maintenant, il ne nous reste plus qu’à nous plonger dans cet Eurêka.
De par son dessin qui sort des canons actuels, et un récit convoquant l’Histoire comme toile de fond, Eurêka n’est pas sans rappeler deux excellents titres en cours de parution en France : Vinland Saga et 7 Shakespeares. Et comme eux, il va utiliser un personnage imaginaire – ici Domippos – pour nous faire vivre les événements qui se déroulent sous ses yeux.
Sauf que cela pose dores et déjà une question : si l’ouvrage est très documentée – la bibliographie est indiquée en fin de volume – Domippos ne se contentera pas de jouer les spectateurs, et aura même un rôle actif des plus déterminants. Ce qui va donc à l’encontre du soucis de véracité historique dont fait preuve l’auteur…
Concrètement, Eurêka n’est pas une biographie d’Archimède ; le personnage nous apparait à moitié sénile, et ce sont surtout les inventions qu’il a conçu pour défendre Syracuse qui seront mises à l’honneur, sous l’œil subjugué de Domippos. Malgré son titre, qui se réfère au célèbre mathématicien, ce n’est qu’un instant de sa vie – le siège de Syracuse – qui sert de base à ce manga. Ce qui est en soi une excellente idée, puisqu’elle permet à la fois d’évoquer les guerres puniques, Hannibal, et le travail d’Archimède. Nous évitons ainsi une histoire qui n’aurait cessé de sauter d’une période à l’autre, sous prétexte de couvrir toute sa vie.
Eurêka présente donc un véritable intérêt pour l’histoire qu’il nous raconte, malgré l’injonction du personnage de Domippos. Mais est-ce que cela suffit à produire un grand manga ? La question se pose.
En effet, si nous retrouvons Hitoshi Iwaaki dans ses scènes de guerre aussi impressionnantes que morbides, et dans son trait reconnaissable entre mille, il peine sérieusement à donner du rythme à son récit, et à poser des enjeux captivants ; certains passages se résument à nous présenter froidement les inventions d’Archimède, et même les séquences qui devraient être les plus saisissantes – comme celle où Domippos s’allie aux femmes de Syracuse – manquent furieusement d’intensité.
Avec Eurêka, nous avons peut-être un début de réponse quant à la raison qui ont empêché l’auteur de faire son trou en France malgré le succès de Parasite : ses autres manga ne tiennent pas forcément la comparaison. En tout cas, si Eurêka se laisse parcourir sans déplaisir et nous permet de nous instruire, il ne s’agit pas non plus d’un titre mémorable. Peut-être son format joue-t-il contre lui, trop court pour nous permettre d’éprouver plus qu’une empathie de façade pour le personnage principal, peut-être son dessin statique – qui donnait cette ambiance morbide à Parasite – ne convient-il pas à ce type de scénario.
Toujours est-il que je ne conseillerai ce manga qu’aux passionnés d’Histoire, et aux lecteurs qui comme moi ont longtemps attendu le retour de ce mangaka.