On l’aime Maggy Garrison. Dans un Londres
décrépi, celui des banlieues sombres, des
fish’n’chips graisseux et des truands à la petite
semaine, obtenir un emploi est un petit exploit.
Alors quand un détective privé minable et
passablement alcoolique offre une embauche à
Maggy, celle-ci accepte.
Car Maggy tente de s’en sortir. Deux ans sans
boulot, c’est long. Et ce n’est pas faute d’avoir
essayé d’en trouver un. Mais dans cette société
capitaliste, qui veut d’une femme seule sans
qualification ? La cinquantaine approchant, elle
n’est plus très jolie Maggy, mais elle est maligne.
D’ailleurs, elle comprend vite qu’il y a de l’argent à
se faire dans un milieu où les bandits sont aussi
perdus que les flics qui les chassent. En plus d’être
plus vite que la moyenne, elle a de la répartie
Maggy. Un humour ironique bien british fait qu’elle
n’a pas sa langue dans sa poche. Elle a des choses
à dire et ne s’en prive pas. L’une des forces de cette
œuvre réside d’ailleurs dans ses dialogues. Ceux-ci
sont parfaitement rodés et les parties de ping-pong
verbal s’enchainent à un rythme soutenu.
Grâce à une galerie de personnages tous plus
iconoclastes les uns que les autres, Maggy a de quoi
faire et les discussions percutantes, allant droit à
l’essentiel inondent les pages et donnent aux
personnages un charme et un charisme qui restent,
qui s’incrustent dans le cœur et la tête du lecteur. Il
est bien difficile de reposer la BD et de repartir dans
son quotidien. Une espèce d’impression aigre douce
se dégage longtemps après la lecture, comme si on
ne nous avait pas tout dit, comme si un caillou restait
coincé dans nos chaussures. On parle ici des oubliés
du système, des personnes sans emploi, sans
diplôme qui tentent de joindre les deux bouts. On
parle de l’indélicatesse d’une société qui exclut, qui
refuse les plus fragiles, ne les accepte pas et les jette
dans des rues pleines de pluie.
Sans jamais s’appesantir sur un sujet grave de
prime abord, on se surprend à rire. Les situations
absurdes s’enchainent et l’on ne peut que s’en
amuser. Pour le coup, certaines personnes auraient
pu figurer dans un film de Guy Ritchie (Arnaques
crimes et botanique, Snatch…) tant l’absurdité de
certaines situations se réfère à ce cinéma là.
Alors oui, on l’aime Maggy. Petit conseil : Lisez-là
en écoutant « Salt of the earth » repris par Betty
Lavette, je vous jure ça marche.
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