S'il y a au moins une chose que l'on peut accorder à Marvel, c'est que l'éditeur n'hésite jamais à donner son blanc-seing à l'expérimentation. Unstable Molecules en est un parfait exemple, avec son concept complètement inattendu : qui sont les vrais Fantastic Four, les quatre personnes qui ont inspiré les personnages que l'on connait à leurs auteurs ?
Dans les années 50, Reed Richards est un scientifique renommé en passe de révolutionner l'industrie textile avec des matériaux qui pourraient s'étirer sans difficulté en cas de besoin. Il est fiancé à la jeune et belle Susan Sturm, qui vit seule avec son petit-frère Johnny. Elle est esseulée et morose, tandis que Johnny traverse la crise existentielle de l'adolescence et se réfugie dans les comics pour oublier la tristesse de sa vie. Quant à Ben Grimm, pilote et coach de boxe, c'est un ami de jeunesse de Richards qui enchaine les relations éphémères et ne parvient pas à se trouver sa place dans la société. Tous quatre forment un ersatz de famille instable, sur le point d'exploser...
Unstable Molecules, c'est donc un récit intimiste et psychologique, centré sur un noyau familial dysfonctionnel perdu dans une Amérique conservatrice et oppressive, des personnages tiraillés entre respect de la norme et forces centrifuges. Sinistre et malaisante, cette mini-série prend le contrepied de la fantasque légèreté qui accompagne traditionnellement les aventures des Fantastic Four, tout en introduisant des rappels subtils aux superhéros dont elle s'inspire.
Ce concept est sublimé par une plume fluide qui ne lasse jamais malgré la monotonie dépeinte, ainsi que par une patte graphique qui s'inspire avec bonheur du style de l'époque sans pour autant reprendre son statisme et ses approximations.
Définitivement un must-read, même si tout le monde ne sera pas réceptif à ce portrait inattendu d'une famille sinistrée.