Lorsqu’elle débarque à Bléville, la tueuse professionnelle Aimée Joubert se rapproche des notables de cette petite ville portuaire sans âme. Elle étudie longuement leurs comportements et leurs liens, identifie les forces et faiblesses de chacun avant de s’engouffrer dans une faille dont elle compte bien profiter. Dans quel but ? Mystère…
Je ne suis pas polar mais j’adore Manchette et sa façon bien à lui de mener un récit. Il était en quelque sorte le chantre du behaviorisme à l’américaine, ne décrivant que des comportements sans jamais entrer dans des considérations psychologiques. Au lecteur de s’interroger sur les pensées et l’état d’esprit des protagonistes. Avec Fatale, on est face à un polar qui n’en est pas vraiment un (d’ailleurs le roman avait été refusé dans la collection « série noire »). L’ambiance est plus contemplative, proche de l’étude de mœurs.
Manchette égratigne la bonne société provinciale et ses élites véreuses. Il fait sauter le vernis des apparences policées pour montrer les ambitions personnelles, les coups-bas, la respectabilité de façade. Sa tueuse est l’élément perturbateur qui va peu à peu faire bouger les lignes jusqu’à l’explosion finale. Beaucoup d’ambiguïté chez tous les personnages. D’ailleurs, les victimes sont souvent plus solides que leur bourreau.
Un album sombre à l’ambiance poisseuse magnifiée par le bleu électrique de la nuit et le jaune-orangé des scènes diurnes. Un album crépusculaire, sans concession, qui restitue l’atmosphère glauque des villes de province des années 70. Un album à la froideur clinique, sans espoir, proche de la tragédie. Vertigineux et impressionnant.