À la fin du XVIIIème siècle, la révolution des esclaves gronde en Haïti. Ici, on suit tout d’abord l’une de ces esclaves ; une femme sans nom, sans identité. Un anonymat dû avant tout à l’absence de texte mais qui colle parfaitement avec le fait que cette femme ne soit que une esclave. Une parmi tant d’autres. Une femme qui accouche d’une petite fille… à la peau claire. Récupérée par les colons, confiée aux soins d’une nourrice, cette enfant grandira dans ce monde clivé pourrissant.
Une BD sans paroles (comme ces esclaves qui n’ont pas de voix), où tout se joue sur la couleur, les expressions, les mouvements. Les deux premiers tiers de l’histoire sont dessinés au stylo Bic rouge uniquement ; rouge comme le sang des esclaves versé, comme la révolte, les sacrifices, la douleur, la haine. Malgré l’absence de texte, le récit est rythmé par la musique des tambours, par les coups de fouet, par les remous de la colère. Une musique primitive qui gronde et grogne.
Le dernier tiers se passe à notre époque où d’autres révolutions se jouent, avec en arrière-fond ces tambours sourds qui résonnent du fins fonds des ruelles underground. Que deviennent nos révolutions aujourd’hui avec les moyens dont nous disposons ? Peut-on les comparer aux révolutions précédentes ? Deux questions esquissées par le jeu de miroir entre ces deux parties, à chaque lecteur d’y répondre.
Le graphisme est prenant, agressif, flou et détaillé en même temps. Une impression chaotique qui colle parfaitement avec l’esprit et l’ambiance de la BD.
C’est beau, c’est fort, c’est dense. Une BD qui se lit avec les tripes.
https://leschroniquesviennentdemars.wordpress.com/2018/06/09/bd-fetiche/