Première impression, graphiquement ça tue. Les couvertures centrées sur un seul personnage sont superbes. Les dessins dans le comics le sont tout autant. Des détails comme s'il en pleuvait, des planches s'étalant en double page où tout le talent de J.G. Jones éclate sous nos rétines. Le découpage en cases viendrait presque gâcher certains dessins se retrouvant fragmentés. La violence crue de certaines scènes est d'autant plus efficace que les dessins visent un certain de degré de réalisme, tout en affichant fièrement son appartenance à la bande dessinée. Et c'est l'une des deux choses que je veux quand je lis une BD : en prendre plein la gueule, avoir envie de repartir quelques pages en arrière pour admirer à nouveau une planche de folie, voir les dessins prendre vie et y croire.
Mais une BD, c’est aussi une histoire, sinon on a juste une œuvre d'art. Grant Morrison ne m'avait pas laissé une première bonne impression, et c'est pas après la lecture de Final Crisis qu'on va devenir les meilleurs amis du monde. Autant le début est pas mal, avec cette enquête, cette menace qui plane mais qui sait garder son mystère, ce vieux flic qui franchit les limites, cet escouade Green Lantern à la justice expéditive, et ses premières révélations. Puis les trames commencent à se multiplier, on enchaine les passages d'un lieu à l'autre, d'un nouveau perso à un ancien qu'on avait pas vu depuis plusieurs tomes. De nouvelles sous-histoires continuent d’émerger, et on jongle entre elles de manière plus récurrente, on se perd dans le scénario, on commence même à ne plus suivre globalement ce qui se passe. Et le final devient un bordel sans nom, incompréhensible, tout allant à cent à l’heure, changeant de trames plusieurs fois par pages, parfois d'une case à l'autre pour s'achever non sans soulagement pour le lecteur déjà paumé depuis un bon moment.
Grant Morrison part en roue libre totale, sans les mains, les pieds, les yeux, tout ce que vous voulez. Je ne suis même pas sûr qu'il est lui-même vraiment compris ce qu'il a pondu. Peut-être que lire l'ensemble d'une traite peut permettre de mieux s'y retrouver, mais ça n'est qu'une supposition auquel je ne crois pas vraiment. Mark Waid, qui lui est en train de devenir un de mes chouchous, avait montré avec talent que crossover et histoire solide pouvaient faire bon ménage. Le deuxième ingrédient de Kingdom Come est ici aux abonnés absents. C’est visuellement aussi beau que le scénario n'a pas de sens. Et c’est définitivement le coup de crayon de Jones qui m'a permis d'aller au bout sans que la lecture ne tourne à la torture.