Le travail de Fujimoto rassemble dès le départ une fascination qu'il partage avec un autre grand artiste qu'est Yuasa sur son Devilman Crybaby : La chute d'une société, se retrouvant sans repères et dépourvue de sa morale, ramenée à un état presque bestial.
Dans Crybaby, Yuasa montre la face sombre d'une humanité en pleine chasse aux sorcières moderne là où dans Fire Punch, Fujimoto focalise en quelques pages seulement ce qu'il veut montrer, sans fioriture : Inceste, cannibalisme et esclavage sont les marques de cette nouvelle société en perdition.
Dans ce récit de vengeance, celle d'un homme qui brûle sans fin dans un désert arctique ou l'on contemple sa chute, sa renaissance, sa mort, sa résurrection... On y découvre aussi une société renfermée dans sa croyance en une sorcière de glace, responsable de tout les maux sur Terre.
Ce manga illustre d'une manière puissante la deuxième loi de la thermodynamique, ou principe d'entropie, d'une certaine manière. Ce qui existe est voué à se consumer un jour, la matière est à un instant T, mais ne finira par être plus. Pour autant, il est ironique de voir comme le protagoniste est un pied de nez à ce principe, à ne jamais s'arrêter de brûler. Il incarne de manière ambivalente la force de résister et celle de se laisser mourir pour espérer accéder à un état plus serein, et c'est dans cette lutte qui ne cesse jamais que se trouve la richesse d'écriture de Fire Punch.
C'est donc en contemplant l'agonie du protagoniste, dans sa quête de sens et de justice, qu'on contemple aussi ce qui orbite autour de lui: une réalisatrice chaotique voulant à tout prix réaliser son film et à culture cinématographique infinie, un enfant à la bêtise enfantine, condamné à le rester, une sœur fantôme lui servant de ligne d'horizon...
C'est cet ensemble de personnages qui émerge du chaos nihiliste et fataliste qu'est Fire Punch, pour notre plus grand plaisir en tant que spectateur. L'humour, à la fois cynique et n'hésitant pas à couper à vif, jalonne l'œuvre dans les dialogues et accentue davantage cette folie ambiante qui se dégage de l'univers.
Le dessin, d'une très grande qualité pour ses doubles pages et ses scènes de destruction, profite aussi d'un découpage dynamique et nous rend difficilement apte à arrêter notre lecture (C'est bien simple, j'ai tout dévoré en 4h à peine)
De cette quête de vengeance, je retiens donc un plaisir immense à avoir lu Fire Punch, à avoir savouré certaines scènes d'une grande beauté poétique dans ce marasme de violence et de douleur. Émerge aussi de ce dit marasme des personnages très bien écrits pour certains, quand d'autres sont si vite oubliés... (Femme au bandeau, je te vois)
Quand on finit de le lire, face à l'ampleur de la conclusion, on ressent alors un grand frisson et une grande crainte : celle de la fin de tout.